Archives Mensuelles: mai 2011
93 la belle rebelle
Un film de Jean-Pierre Thorn
Documentaire – France – 1h13 – Sorti le 26 janvier 2011
Synopsis : Un demi-siècle de résistance musicale flamboyante en Seine-Saint-Denis.
93 la belle rebelle soulève des problématiques passionnantes sur les banlieues : leur paysage architectural instable, l’envie de trouver sa place dans la société, le besoin de révolte des laissés-pour-compte, l’incompréhension de gouvernements répressifs. Et le formidable bouillonnement artistique qui permet à ces jeunes oubliés de prendre la parole et d’affirmer leur existence.
93 la belle rebelle retrace l’histoire de la musique de Seine-Saint-Denis, depuis le rock’n roll des années 60 jusqu’au slam des années 2000. A chaque fois, une même démarche : essayer d’échapper à l’exclusion, à la vie d’usine, au quotidien fauché, aux perspectives lugubres.
Si le sujet est crucial, la manière qu’a Jean-Pierre Thorn de le traiter est décevante. On a l’impression d’être devant un reportage d’Envoyé Spécial, entre témoignages inégaux et réflexion inaboutie. Le plaisir vient alors de la bande sonore, qui témoigne mieux que tout de l’élan vital qui anime ces parents pauvres du développement urbain.
93 la belle rebelle explore de nombreuses pistes intéressantes mais le film est globalement trop modeste pour marquer les esprits.
Note : 2/10
Pirates des Caraïbes : La Fontaine de jouvence
Un film de Rob Marshall avec Johnny Depp, Penélope Cruz et Geoffrey Rush
Aventure, Fantastique – USA – 2h20 – Sorti le 18 mai 2011
Titre original : Pirates of the Caribbean: On Stranger Tides
Synopsis : Le capitaine Jack Sparrow retrouve une femme qu’il a connue autrefois. Elle l’entraîne dans un périple à la recherche de la fontaine de jouvence, en compagnie du terrible pirate Barbe-Noire…
La franchise Pirates des Caraïbes, c’est beaucoup de grand spectacle et d’effets spéciaux et pas grand chose d’intéressant à se mettre sous la dent. Rob Marshall, c’est un réalisateur sans personnalité, un fabricant de films-produits souvent mauvais, le dernier en date étant la désastreuse comédie musicale Nine.
Alors quand Rob Marshall reprend en main Pirates des Caraïbes, on est face à du cinéma sans auteur, un truc-machin impersonnel dans lequel seule compte la poudre aux yeux (maintenant présentée dans une 3D absolument inutile) et les aventures insipides menées tambour battant.
On sort de la projection sans bien savoir ce qu’on a vu. C’est l’histoire de pirates qui se battent pour trouver quelque chose, et puis c’est tout. Penelope Cruz est aussi transparente que l’était Keira Knightley dans les premiers opus, avec un personnage encore moins intéressant.
On s’endort pendant la première moitié du film, puis notre attention est tirée du néant grâce à l’apparition des sirènes et on finit par suivre péniblement la fin de l’aventure juste pour l’histoire de Syrena.
Pirates des Caraïbes 4 est un film très long et quand il se termine on est presque soulagés. Et désolés d’apprendre qu’un 5ème opus est déjà en préparation.
Note : 1/10
Fast and Furious 5
Un film de Justin Lin avec Vin Diesel, Paul Walker, Dwayne Johnson
Action, Thriller – USA – 2h10 – Sorti le 4 mai 2011
Synopsis : Brian et Dom se lancent dans un dernier coup à Rio pour avoir les moyens de retrouver leur liberté.
Les répliques sont exactement ce qu’on attend qu’elles soient : ridicules, stéréotypées, dites avec le plus grand sérieux du monde, entre sarcasme et beau gosse attitude. L’intrigue est construite de poncifs et de personnages monolithiques, les rebondissements sont souvent évidents.
Et pourtant, l’essentiel n’est pas là. Justin Lin ne dérogera pas aux règles du film d’action et de testostérone, mais le simplisme du propos lui permet de se concentrer sur des scènes d’action extraordinaires. Le montage est parfait, pas trop rapide comme c’est souvent le cas dans ce genre de films, il permet une lisibilité totale des courses-poursuites. Celle sur les toits de Rio est particulièrement enthousiasmante, tout comme le sont les fusillades dans la ville ou l’hallucinante scène du train, au début du film. Le clou du spectacle vient quand même à la fin : on assiste alors à l’un des meilleurs braquage de coffre-fort du cinéma d’action, tellement musclé qu’il en devient presque subtil.
Avec un scénario sans originalité et sans enjeu, Fast and Furious 5 passe en force et arrive à tenir le spectateur en haleine pendant plus de deux heures. Le temps passe à la vitesse des bolides que conduisent Dom et Brian, on est cloué au siège de cinéma devenu pendant quelques instants celui d’une formule 1. Quelque chose d’un peu magique se passe : c’est parfaitement inintéressant et pourtant, les ficelles sont tellement grosses et assumées qu’il en résulte une certaine finesse. Fast and Furious 5 détruit tout sur son passage.
Note : 5/10
Rusty James
Un film de Francis Ford Coppola avec Matt Dillon, Mickey Rourke et Dennis Hopper
Drame – USA – 1h35 – 1983
Titre original : Rumble Fish
Synopsis : Rusty James est le frère du « Motorcycle Boy », roi déchu des gangs de la ville de Tulsa. Rusty, admiratif de son aîné, aimerait bien reprendre le flambeau…
Dans un monde en noir et blanc, les nuages semblent fuir à toute allure une musique oppressante. Rusty James est coincé entre la prison que représentent ses amis, sa famille, son univers et l’espoir de liberté qui semble attaché aux cieux. Il doit choisir entre poursuivre la chimère de devenir son frère et se décider à être lui-même.
Francis Ford Coppola innove à chaque instant, ses plans obliques enferment encore un peu plus le héros dans un destin écrasant. Les images sont magnifiques et glauques, certains moments touchent au sublime, dès le début quand Rusty James est interpellé alors qu’il joue au billard, ou plus tard lorsque son âme quitte son enveloppe charnelle. Mickey Rourke, Matt Dillon et Dennis Hopper sont d’une densité terrible, les dialogues sont incisifs, ils frôlent le pastiche sans jamais perdre de leur solennité.
Les rares apparitions de la couleur trahissent la dernière chose qui intéresse encore le Motorcycle Boy dans un monde qui a perdu toute sa saveur : les rumble fish, poissons bagarreurs qui essaient de détruire leur propre reflet. Comment se libérer de cette image, de cette légende qui le poursuit partout? C’est la dernière quête du grand frère de Rusty James car l’important n’est pas de mener les autres mais de savoir où les mener. Et si le Motorcycle Boy peut réussir tout ce qu’il entreprend, il ne sait pas quoi entreprendre. Il n’y trouve pas de sens.
Le monde est peuplé de deux sortes de gens : ceux qui sont simplement là et s’en satisfont (comme le personnage de Nicolas Cage ou la petite amie) et ceux qui cherchent une signification. Alors que les premiers peuvent essayer d’être heureux, les seconds sont condamnés : ils errent, comme le Motorcycle Boy, ils tentent d’oublier (comme son père ou sa petite amie), ou bien ils fuient (comme sa mère), essayant de poursuivre les nuages, toujours plus rapides, toujours plus fuyants.
Dans ce drame existentiel déguisé en histoire de gangs adolescents, Rusty James doit choisir entre poursuivre ses rêves de grandeur (mais ce qui est grand rend malheureux) ou rester un être médiocre mais potentiellement heureux.
Les rumble fish sont agressifs parce qu’ils sont enfermés. Dans un espace trop étroit pour eux, ils ne peuvent même plus supporter leur propre image. Impuissant à se libérer de ce que les autres et lui-même attendent de lui, le Motorcycle Boy veut délivrer les poissons de leur reflet en les plongeant dans l’océan. Rusty James ne peut trouver le salut qu’en se libérant lui aussi. De l’image de son frère, de l’image qu’il voudrait avoir de lui-même. De cette ville qui l’étouffe. Fuir lui aussi vers l’océan. Et profiter qu’il soit moins intelligent que son frère pour oublier que tout ceci n’a pas de sens. Et tant pis pour tous ceux qui se demandent à quoi bon : il leur reste toujours la drogue, l’alcool, le désespoir et la mort.
Note : 9/10
Le Gamin au vélo
Un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne avec Cécile de France et Thomas Doret
Drame – France, Belgique, Italie – 1h27 – Sorti le 18 mai 2011
Synopsis : Cyril, 12 ans, veut retrouver son père qui l’a placé dans un foyer pour enfants. Il rencontre par hasard Samantha, qui accepte de l’accueillir chez elle le week-end…
Grand Prix du jury au Festival de Cannes 2011
Les frères Dardenne tentent un pari osé : placer au coeur de leur univers cru et réaliste un conte de fée. Après Angèle et Tony en début d’année, déjà une rencontre improbable au milieu de la misère sociale, le cinéma francophone propose ici encore de rassembler deux êtres que tout sépare.
Cyril veut avant tout retrouver son père, visiblement le dernier lien qui le raccroche encore à la société. Tout son amour semble s’être concentré sur ce papa irresponsable qui pourrait être le Bruno de L’Enfant, devenu 10 ans plus tard Guy Catoul, toujours sous les traits de Jérémie Rénier.
Quant à Samantha, on ne saura pas grand chose d’elle, si ce n’est qu’elle est coiffeuse et qu’elle a pour seule attache visible un ami avec lequel elle partage un peu sa vie.
Les frères Dardenne décident de ne pas donner de raison à l’attachement de Samantha pour Cyril. L’important, c’est qu’elle décide de faire ce qu’elle fait, c’est qu’elle décide de soutenir et d’aimer Cyril. C’est sur ce point précis que les réalisateurs belges veulent faire croire à l’incroyable : la générosité pour elle-même, l’amour simplement parce qu’il est là et même s’il n’a aucune raison d’être.
Mais le spectateur n’y croit pas. Dès la première apparition de Samantha, on se demande par quel artifice Cécile de France va rester dans l’histoire. Ses choix, sa volonté inébranlable, donnent au personnage une sorte d’inconsistance comme s’il avait attendu le début du film pour exister et trouver un combat à défendre. En ignorant le passé de Samantha, les frères Dardenne veulent insister sur les actes de cette femme mais ils la privent de toute existence propre. On se trouve alors devant l’impossibilité de partager la foi des réalisateurs, on passe le film à essayer de comprendre les motivations de Samantha.
C’est d’autant plus gênant que l’histoire est attachante et rythmée, et qu’on aimerait y adhérer. La fin du film, véritable réquisitoire contre la vengeance, est magnifique. Un instant reste flottant, comme si le film hésitait entre la tragédie et la lumière. Le choix de la lumière donne à la dernière séquence une force redoutable.
Jean-Pierre et Luc Dardenne ont changé leurs habitudes : ils ont utilisé de la musique, ils ont romancé leur chronique sociale, ils ont choisi d’y croire. Malheureusement, le postulat initial du conte de fée ne convainc jamais. Cyril est un très beau personnage mais Samantha est un songe.
Note : 5/10