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The Bling Ring

Programmé en ouverture de la section Un certain regard à Cannes, The Bling Ring a plutôt déçu. Certes, à force de répéter les mêmes figures et les mêmes scènes, le film semble un peu bégayer, comme fasciné par ce qu’il raconte. Mais c’est justement cette fascination du vide recouvert de clinquant qui donne à ce bonbon pop et doucement triste ce goût à la fois sucré et amer.

Synopsis : À Los Angeles, un groupe d’adolescents fascinés par le people et l’univers des marques traque via Internet l’agenda des célébrités pour cambrioler leurs résidences.

The Bling Ring - critiqueEn cinéaste de la vacuité, Sofia Coppola filme encore et encore des univers en toc, des personnages perdus qui essaient de trouver un sens dans le vide abyssal de leur existence. Dans ses films, l’être est en sourdine, le paraître est tout, toujours plus envahissant, toujours plus fascinant, toujours plus avilissant.

Que ce soit une banlieue bourgeoise des USA, une ville étrangère (en l’occurrence un Tokyo de néons et de surexcitation), la cour du roi de France au XVIIIème siècle, la grande maison d’un acteur célèbre ou le Los Angeles des stars et du clinquant, tous les univers des films de Sofia Coppola ont en commun d’être absolument faux.

Partout règne l’artifice, chaque fois les personnages semblent s’agiter en vain dans un cadre fabriqué, attirant et vide. Les êtres humains créent des mondes dorés, des utopies brillantes, des endroits fantastiques dans lesquels tout est beau, propre et accessible, dans lesquels il n’est ni possible de s’ennuyer, ni d’être malheureux. Puis ils décident d’y vivre, accablés par l’ennui et la mélancolie.

Dans Virgin Suicides, Lost in translation, Marie-Antoinette ou Somewhere, cette mélancolie envahissait l’écran, les protagonistes et le spectateur avec une terrible douceur. Dans The Bling Ring au contraire, les personnages, des adolescents encore naïfs, ne la ressentent pas encore. C’est ce qui donne au dernier film de Sofia Coppola ce mouvement et cette énergie, beaucoup plus vifs que dans ses films précédents.

Les cinq héros du gang sont dans une course effrénée et illusoire pour acquérir le lifestyle qu’ils associent au bonheur. Nourris dès la biberon à la presse people et aux réseaux sociaux, leur objectif est de construire leur image de marque bien plus que de se construire eux-mêmes. Le décalage entre celui qu’on est et celui à qui on essaie de ressembler, entre nos sentiments profonds et notre attitude, a toujours été à la base du cinéma de Sofia Coppola.

Des êtres profondément inconsistants essaient de se donner de la substance en remplissant leur vie de signes extérieurs d’existence. C’est toujours cette histoire que nous raconte la cinéaste, mais cette fois-ci, elle explore la façon dont cette problématique se frotte au monde du début du XXIème siècle. Alors que ce mal-être était intemporel dans Virgin Suicides ou Marie-Antoinette, il trouve dans notre époque une puissance d’expression décuplée par l’invasion des images, par Internet ou par mobile.

Au temps de l'hypercommunication, tout se doit d'être médiatisé

Au temps de l’hypercommunication, tout se doit d’être médiatisé, le personnal branding est omniprésent. Chacun devient une marque, chacun voudrait ressembler à sa marque (à son icône) préférée. Le rêve américain est à portée de main, rien n’est plus impossible, les distances et les mystères n’existent plus, il y a Google pour les abolir. Existe-t-on encore en dehors de Facebook? Les stars que nous admirons existent-elles encore en dehors des sites Internet people? Qui, de nous ou de notre avatar, est le plus réel? Et qu’en sera-t-il dans quelques années, pour les générations nées en même temps que leur blog?

C’est ces questions que pose The Bling Ring, avec une douce ironie et une fascination non dissimulée. Dommage alors que le film soit assez vite répétitif. Si les interviews, placées ici et là au milieu du récit, rompent la monotonie, les péripéties sont toujours les mêmes, les réactions toujours identiques, et on se lasse un peu devant ces séquences qui se ressemblent toutes.

De façon beaucoup plus originale et percutante, Harmony Korine nous avait déjà décrit dans Spring Breakers l’invasion du vide, un monde d’adolescents pour lesquels tout doit être possible, ici et maintenant. Sofia Coppola est plutôt occupée à ses rêveries délicates. C’est aussi ce qui fait la valeur de The Bling Ring : certes le film n’est pas assez incisif, mais son charme est de contredire le discours formaté et un peu ridicule (ou effrayant) de ses cinq cambrioleurs de rêves scintillants, grâce à ce ton si caractéristique de la cinéaste : la mélancolie du vide.

Note : 7/10

The Bling Ring
Un film de Sofia Coppola avec Katie Chang, Israel Broussard, Emma Watson et Claire Julien
Comédie dramatique – USA – 1h31 – Sorti le 12 juin 2013

Le Monde de Charlie

Stephen Chbosky adapte son propre best-seller au cinéma et évoque le moment difficile qu’est l’adolescence.  Le Monde de Charlie accumule les poncifs et pourtant, il arrive parfois à transmettre l’émotion d’un âge lumineux où tout est encore possible.

Synopsis : A son arrivée au lycée, Charlie est un loser chahuté par ses camarades. Bientôt, il rencontre Patrick et la jolie Sam, qui le prennent sous leur aile. Alors la vie peut véritablement commencer.

Le Monde de Charlie - critiqueLe Monde de Charlie est construit de clichés, de passages obligés du cinéma indépendant anglo-saxon quand il s’intéresse à la beauté et la douleur de l’adolescence. On pense à Submarine, à Juno, parfois même à Donnie Darko. Un jeune lycéen intellectuel méprisé de tous, des amis gentiment toqués, un pote homosexuel au grand coeur, des références musicales à la pelle et surtout, des moments intenses pour se sentir vivre à fond avant de devenir adulte : tout cela compose la partition du film de Stephen Chbosky.

On sent à quel point le réalisateur a voulu mettre dans son récit tout ce qui lui tenait à coeur, les livres qui l’ont construit, les chansons qui lui ont fait battre le coeur, les spectacles qui l’ont enthousiasmé (notamment le Rocky Horror Picture Show). Parfois, cela fonctionne. Le vent, la vitesse et David Bowie ont beau composer une image d’Épinal, on vibre un peu dans ces séquences où l’amour adolescent bat son plein.

Le mystère de Charlie nous est par contre un peu indifférent. L’ombre de Mysterious Skin plane, mais on a l’impression d’un effet scénaristique artificiel destiné à donner plus d’enjeux à cette histoire un peu banale. Parfois, les acteurs manquent de crédibilité (notamment au début, quand la complicité de Patrick et Sam paraît forcée), et parfois leur manière un peu gauche de s’exprimer colle mieux avec la maladresse de cet âge et on se replonge volontiers dans leurs aventures. On retrouve avec plaisir Ezra Miller, dans un rôle très différent de celui de We need to talk about Kevin. Emma Watson s’affranchit sans mal de l’image d’Hermione Granger.

Finalement, Stephen Chbosky arrive à extraire de séquences pourtant convenues une douce nostalgie de cet âge où l’on vit à 100%. Il parle d’homosexualité refoulée, de deuil, d’amitié, de traumatismes d’enfance, de la difficulté d’aimer la bonne personne, tout ça sans provoquer d’indigestion.

Le Monde de Charlie est un monde éphémère et bancal, un monde qu’on oubliera vite. Mais il arrive, avec ses lieux communs et son intrigue un peu molle, à nous toucher légèrement.

Note : 4/10

Le Monde de Charlie (titre original : The Perks of Being a Wallflower)
Un film de Stephen Chbosky avec Logan Lerman, Emma Watson et Ezra Miller
Drame, Romance – USA – 1h43 – Sorti le 2 janvier 2013

Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2

Dernier des 8 épisodes de la saga, cet Harry Potter était forcément attendu comme un événement cinématographique majeur par les fans. Pour les autres, dont je fais partie, rien d’exceptionnel si ce n’est l’univers visuel, réussi. L’intrigue est assez pauvre, le dénouement est convenu, le propos est inexistant. Reste le personnage de Severus Rogue, ambigu et romanesque.

Synopsis : Le combat entre le bien et le mal touche à sa fin. Harry Potter est appelé pour l’ultime sacrifice alors que se rapproche la dernière épreuve de force avec Voldemort.

Harry Potter et les reliques de la mort - Partie 2 - critiqueLa première partie du chapitre final de la saga était complètement ratée, la faute à une intrigue d’une pauvreté affligeante. La seconde partie est beaucoup plus réussie et renoue avec le meilleur des huit épisodes que comptent finalement les aventures cinématographiques d’Harry Potter.

Tout doit se dénouer ici, les enjeux redeviennent clairs (trouver les horcruxes et les détruire pour anéantir l’âme de Voldemort), l’univers grisâtre contraste fortement avec les premières apparitions du jeune sorcier dans l’ambiance festive d’un internat d’exception nommé Poudlard. Tout se resserre autour de l’essentiel : la lutte entre le bien et le mal, entre Harry et Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. L’intrigue retrouve alors sa cohérence.

L’image toujours léchée, les couleurs froides et menaçantes, la fébrilité omniprésente permettent d’installer une atmosphère d’apocalypse toujours convaincante. Plus on se rapproche de la fin de l’histoire, plus on semble se rapprocher de la fin du monde, et même les novices d’Harry Potter se laissent rattraper par l’ampleur du mythe : on sent qu’une aventure gigantesque va ici se terminer, une aventure cinématographique qui a battu de nombreux records, une aventure romanesque qui a captivé des millions de lecteurs et autant de spectateurs.

Pourtant, pour quelqu’un comme moi qui n’a jamais été convaincu par l’histoire de l’apprenti sorcier, ce qui fut gênant dans les opus précédents continue de plomber l’épilogue. Pour commencer, ces références constantes à toute la mythologie d’Harry Potter et qui nuisent à la compréhension du profane. Cela fait déjà plusieurs épisodes que j’essaie, par exemple, de me rappeler du rôle de Sirius Black, dont les apparitions furtives ne servent plus du tout l’intrigue. Les clins d’oeil pour l’initié sont partout et contribuent à creuser le fossé entre les fans et les autres. Ceux-ci se perdent souvent dans les motivations des personnages et finissent par suivre les héros passivement, presque abrutis par la surenchère visuelle.

Ensuite, jamais le scénario n’arrive à être vraiment original ou à tenir un propos. On est assommés par l’exceptionnelle diversité des créatures, objets, lieux et personnages mais tout ceci cache mal la grande banalité des événements et rebondissements auxquels sont confrontés les héros. Enfin, la qualité des seconds rôles est souvent sacrifiée à leur quantité, le film ne pouvant pas les développer tous de manière intéressante en seulement deux heures. Là encore, Harry Potter et les reliques de la mort reste une adaptation qui vise d’abord les lecteurs de J.K. Rowling, il faut que tout y soit, David Yates refuse de sacrifier au format cinéma ce qui ne peut pas être rendu intéressant à l’écran.

Le dénouement final est faible (surtout si l’on considère qu’il s’agit de finir 16 heures de film) et absolument peu crédible. Ce qui devrait arriver fatalement n’arrive pas, tout finit par être lisse et (étrangement) sans relief. Le personnage qui attire toute notre attention n’est ni Harry, ni Voldemort, mais bien Severus Rogue. L’histoire et la complexité de ses actes et de ses motivations sont plus intrigantes que toute la recherche un peu mécanique d’horcruxes qu’entreprennent Harry et ses amis. Le professeur Rogue nous fascine, nous effraie, nous émeut et nous permet de reconsidérer tout un pan fondamental de l’histoire d’Harry Potter. La saga aurait pu être un vrai succès si chaque personnage avait bénéficié d’une attention aussi poussée de la part des scénaristes et d’une interprétation aussi subtile que celle d’Alan Rickman. Ce n’est malheureusement pas le cas.

Note : 3/10

Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 (titre original : Harry Potter and the Deathly Hallows – Part 2)
Un film de David Yates avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson et Ralph Fiennes
Fantastique – Royaume-Uni, USA – 2h10 – Sorti le 13 juillet 2011