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L’Étrangère
Un film de Feo Aladag avec Sibel Kekilli et Settar Tanrıöğen
Drame – Allemagne – 1h59 – Sorti le 20 avril 2011
Synopsis : Pour fuir son mari violent, Umay, jeune femme allemande d’origine turque, retourne à Berlin vivre dans sa famille, mais celle-ci refuse de la soutenir.
Prix du meilleur film et de la meilleure actrice (Sibel Kekilli) au Festival de Tribeca 2010
L’Etrangère a toutes les qualités d’un drame social poignant : des acteurs excellents (mention spéciale à Sibel Kekilli, tour à tour déchirée et lumineuse), un scénario édifiant, une mise en scène sobre au service d’une histoire forte. Les personnages sont extraordinaires de vérité, Feo Aladag refuse de condamner qui que ce soit, elle montre chacun se débattre avec ses principes et ses douleurs et tenter d’évoluer à travers ses contradictions.
L’impossible choix entre sa vie et sa famille, entre la tradition et le bonheur, met le spectateur dans la même impasse que le personnage. L’Etrangère est un combat contre les autres et surtout contre soi pour suivre son propre chemin, pour ne pas céder aux sirènes obscurantistes de coutumes terribles.
Le propos était si bien illustré qu’une telle fin n’était peut-être pas nécessaire. Si le film se termine sur un moment de tension rare et sur une véritable audace scénaristique, les raisons qui poussent les personnages, pourtant si claires jusque là, nous deviennent incompréhensibles. Un peu comme si des croyants certes traditionalistes mais plutôt intégrés, sympathiques et pas du tout extrémistes se transformaient tout à coup en Talibans. On reste alors partagé entre surprise et incrédulité, la conclusion du film semble contredire ce que nous avions compris des personnages, leurs actes et leurs mots jusque là. On regrette aussi le flash-forward qui commence le film et qui joue un peu maladroitement avec les attentes du spectateur.
Le dernier épisode du film est certes marquant, mais on se demande un peu s’il n’est pas là simplement pour marquer. On sort de la salle sceptique mais décontenancé, signe que Feo Aladag a quand même réussi son coup.
Note du film : 7/10
Je veux seulement que vous m’aimiez
Un film de Rainer Werner Fassbinder avec Vitus Zeplichal et Elke Aberle
Drame – Allemagne – 1h50 – Produit en 1976 – Sorti le 20 avril 2011
Titre original : Ich will doch nur, dass ihr mich liebt
Synopsis : Peter est attentionné, généreux, mais timide et écrasé par ses parents. Il ne cesse de vouloir acheter aux autres l’amour qui lui a été refusé dans son enfance.
Dans une société glauque et déshumanisée, les êtres, fatalement égoïstes, luttent les uns contre les autres, sans volonté de se connaître, de se comprendre ou de s’aimer. Peter veut réussir sa vie. Mais qu’est-ce que réussir sa vie?
Pouvoir rendre ses parents fiers, devenir « quelqu’un », être admiré par sa femme, s’offrir une vie aussi bien que celle des autres ou en tout cas faire semblant de s’en offrir une. Au bout du compte, toujours le même objectif : réussir, c’est donner aux autres l’illusion qu’on a réussi.
Car dans ce monde de fantômes, on veut seulement être aimé, même pas forcément pour ce qu’on est. Et quitte à devoir acheter l’amour de nos proches.
Quand les rapports affectifs avec nos parents déterminent tous les rapports affectifs que nous aurons dans notre vie, le manque d’amour maternel peut devenir meurtrier. L’illustration du mythe d’Oedipe est poussive et insistante. Le film est plus juste quand il décrit les rapports humains sous l’angle de la domination et de la jalousie, et quand il fait de la vie une lutte désespérée pour gagner des clopinettes, pouvoir rembourser ses meubles et offrir à ses proches un pâle reflet de bonheur. Quand Peter est frappé par la lucidité alors qu’il attend le métro, il ne peut pas s’en sortir. S’il prend le métro, sa vie restera un miroir aux alouettes. S’il ne le prend pas, c’est lui qui devra créer une illusion impossible.
Je veux seulement que vous m’aimiez arrive à communiquer le malaise du verni social. Sous l’apparence de la normalité, les rapports entre les hommes sont monstrueux. Dommage alors que l’histoire, un peu simpliste, ne soit pas aussi captivante que l’atmosphère est oppressante.
Note du film : 5/10