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Omar m’a tuer

Omar m’a tuer raconte l’une des décisions juridiques les plus contestées de l’histoire récente. Omar est immigré, ne parle pas français, il est faible et devient le coupable idéal, même si aucune preuve cohérente ne l’accuse. Roschdy Zem raconte exactement ça, sagement, maladroitement, sans autre ambition que de dénoncer une injustice. Ça ne suffit pas à faire un film intéressant.

Synopsis : 1991. Ghislaine Marchal est retrouvée morte dans la cave de sa villa. Des lettres de sang accusent : «Omar m’a tuer». Quelques jours plus tard, Omar Raddad, son jardinier immigré, est écroué à la prison de Grasse. Il est le coupable évident…

Omar m'a tuer - critiqueDès la bande-annonce, on se demandait ce qu’un film allait bien pouvoir apporter à l’affaire Omar Raddad. A part témoigner des faits et dénoncer l’injustice, y avait-il de réels enjeux dramatiques, une véritable cause politique à défendre ou une vision du cinéma à proposer?

Après avoir vu le film, on est bien obligés de dire que nos craintes étaient justifiées. A la suite de Rachid Bouchareb et de son Indigènes, Roschdy Zem réalise son film d’utilité publique. Omar m’a tuer est plus une démonstration pour réveiller les consciences et réparer une injustice qu’une oeuvre de cinéma. La sagesse de la mise en scène ne fait que s’ajouter à un scénario déjà largement consensuel.

Le propos sur la justice ou sur l’immigration ne va pas assez loin pour prendre véritablement de l’ampleur, le personnage d’Omar est trop accablé pour arriver à exister en dehors de son statut de victime et la démarche non documentaire du film ne lui permet pas de se transformer en oeuvre d’investigation.

Roschdy Zem choisit de raconter deux histoires. D’une part, une intrigue judiciaire au centre de laquelle Omar passe son temps à essayer de comprendre ce qui lui tombe dessus et à s’effondrer. D’autre part, une enquête policière dont les conclusions sont connues du spectateur avant même que le film commence. Résultat : jamais vraiment thriller, Omar m’a tuer joue la carte du drame.

Mais le réalisateur aurait gagné à montrer avec plus d’évidence les parts d’ombre du personnage principal. Illettré et présenté comme parfaitement innocent (et naïf), Omar reste un personnage abstrait qui n’attire jamais vraiment notre empathie.

Au final, Omar m’a tuer est un film sans point de vue, sans élément nouveau, sans histoire et même sans émotion. C’est un film qui n’a pour lui que sa conviction, largement partagée, de l’innocence d’Omar Raddad. Cette affaire a peut-être beaucoup de choses à dire sur notre société, mais ce n’est certainement pas un film aussi insipide qui pourra lui rendre justice et s’en faire le porte-parole adéquat.

Note : 1/10

Omar m’a tuer
Un film de Roschdy Zem avec Sami Bouajila, Denis Podalydès et Maurice Bénichou
Drame, Policier – France – 1h25 – Sorti le 22 juin 2011

La Conquête

Un film de Xavier Durringer avec Denis Podalydès, Florence Pernel et Bernard Le Coq
Comédie – France – 1h45 – Sorti le 18 mai 2011
Synopsis : L’histoire de la conquête du pouvoir présidentiel par Nicolas Sarkozy depuis son arrivée au ministère de l’intérieur en 2002 jusqu’au jour de l’élection de 2007.

La ConquêteUn film sur le président de la république en exercice, voilà un projet plus périlleux qu’audacieux. Muselé par le devoir de ne pas calomnier, de ne pas donner trop de sympathie ni d’antipathie pour le personnage, de ne pas faire un film de gauche ou un film de droite, de ne pas trop inventer, de ne pas trop faire de conjectures hasardeuses, Xavier Durringer livre un film aseptisé qui ne retrace rien de plus que ce qu’on sait déjà.

La Conquête n’est alors qu’un compte-rendu des différentes unes parues dans les médias entre 2002 et 2007 sur Nicolas Sarkozy : Ministère de l’intérieur, Ministère du budget, présidence de l’UMP, « la France qui se lève tôt », les « racailles » et bien sûr Clearstream et Cécilia.

Sarkozy n’avait sans doute pas besoin d’un film pour l’humaniser, lui qui s’est déjà depuis longtemps attelé à la tâche de démythifier les fonctions suprêmes de l’état, lui l’homme ambitieux et énergique, prêt à tout pour gagner le jeu d’échec politique qui lui est proposé. En laissant les convictions de côté, La Conquête ne parle que de l’homme et joue le jeu politique qu’il essaie de dénoncer : la peopolisation aux dépens des idées.

A la façon de Moi, Michel G, Milliardaire, Maître du monde, La Conquête veut décrire les mécanismes du pouvoir (financier dans le film de Stéphane Kazandjian, politique dans celui-ci). Mais ici, l’exercice tourne trop à la reconstitution scolaire pour que les bons mots et les jeux d’acteurs ne paraissent pas artificiels.

La Conquête n’apprendra pas grand chose au spectateur d’aujourd’hui et, plus grave, pas grand chose au spectateur de demain. La Conquête est un film sans point de vue, sans engagement. Décidément, faire un film sur Nicolas Sarkozy était une fausse bonne idée.

Note : 2/10