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Macadam Cowboy

Alors que Dustin Hoffman réalise son premier film (Quartet), revenons à l’une des œuvres majeures qui marqua sa brillante carrière d’acteur. Macadam Cowboy fut le premier film classé X à obtenir l’Oscar du meilleur film. Dans cet anti-western, Joe Buck va vers l’est pour essayer de vivre grâce aux femmes. Le rêve américain perverti n’est plus alors que désillusion…

Synopsis : Joe Buck quitte le Texas pour New York, où il espère se faire entretenir par des femmes riches. A la place, il y rencontre Ratso, un petit italien chétif, boiteux et tuberculeux.

Macadam Cowboy - critiqueUn jeune texan naïf arrive à New York, sûr de faire fortune en tant que gigolo. Son périple se construit de déceptions et d’humiliations. Victime d’un passé douloureux, Joe Buck est d’abord d’un optimisme sans faille, avec sa gueule d’ange et son accoutrement de cow-boy, il se fait l’héritier des mythes américains : rien ne lui est impossible, le monde lui appartient.

Quand ses espoirs se confrontent à la dure réalité, ses difficiles expériences passées reviennent dans son esprit, comme pour démontrer le cycle infernal et multiforme de l’hostilité, qu’elle se développe à la campagne ou bien en ville. Ces souvenirs refoulés remontent jusqu’au spectateur sous la forme de flashbacks morcelés, nous communiquant ainsi l’ampleur du traumatisme.

Rarement la ville n’a été aussi cruelle au cinéma. Dans cette métropole indifférente et individualiste, les plus faibles ne survivent pas. Mais au bout de la marginalité, Joe Buck va gagner quelque chose de très rare dans ce monde: une amitié. La très belle musique ajoute à la mélancolie de l’ensemble et prépare un dénouement d’autant plus triste qu’il laisse flotter un léger optimisme.

John Schlesinger arrive à nous attacher à ses antihéros tout en détruisant le mythe du cow-boy américain. La séquence de fête psychédélique montre que les époques changent. La marche du temps ne se conforme à aucun idéal, elle détruit le passé et réinvente sans cesse le présent. Macadam Cowboy est à ce titre l’un des grands repères du Nouvel Hollywood : il s’affranchit des codes du cinéma classique pour s’attaquer à des sujets complexes et tabous. Quitte à livrer une histoire iconoclaste, parfaitement unique et profondément bouleversante.

Note : 8/10

Macadam Cowboy (titre original : Midnight Cowboy)
Un film de John Schlesinger avec Dustin Hoffman, Jon Voight
Comédie dramatique – USA – 1969 – 1h53
Oscars 1970 du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté, Baftas 1970 du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario, du meilleur montage et de la révélation de l’année (pour Jon Voight)

Quartet

Petit événement : Dustin Hoffman réalise son premier film à 75 ans. Malheureusement, Quartet est une comédie engoncée, aussi insolente que la mère-grand des contes de fée. L’entreprise est trop sage, elle manque d’audace et d’impertinence. Beaucoup de bons sentiments et finalement peu d’émotion.

Synopsis : Dans une maison de retraite pour musiciens et chanteurs d’opéra, l’arrivée de la diva Jean Horton perturbe les pensionnaires, surtout son ex-mari qu’elle n’a pas vu depuis 15 ans.

Quartet - critiqueQuartet est un film sur une maison de retraite accueillant des vieux musiciens et chanteurs d’opéra, réalisé par Dustin Hoffman, 75 ans. Tout cela semble annoncer quelque chose de très policé, et malheureusement, c’est effectivement le cas.

Certes, Quartet nous dit qu’il n’y a pas d’âge pour tomber amoureux, pour pardonner, pour renaître, pour chanter, pour profiter de la vie, et pour mettre en scène son premier long métrage. Mais le feel good movie sent fort la naphtaline, non pas par son sujet guindé ou par son vénérable casting, mais par la raideur de son scénario et la mollesse de sa mise en scène.

Dustin Hoffman ne prend aucun risque, il semble faire ses gammes dans une comédie « so british » d’un classique à tomber par terre (et rester grabataire). On rit avec un dentier.

L’intrigue est souvent forcée et maladroite : les personnages changent d’avis radicalement, et trop vite. Il suffit d’une nuit à Reginald pour pardonner ce qu’il pensait impardonnable, et d’une autre nuit à Jean pour envisager ce qu’elle disait inenvisageable.

On sent les efforts d’Hoffman pour donner du souffle à son film : chaque scène dans le quotidien de Beecham House est un joyeux bordel, les dialogues fusent et l’énergie déborde, à l’opposé de l’idée qu’on se fait généralement d’une maison de retraite. Pourtant, cet enthousiasme ne paraît pas toujours naturel, et on comprend trop bien la volonté du réalisateur de donner une seconde jeunesse à ses personnages. De même, on est peu convaincu par l’acte de transmission de l’ancienne à la jeune génération, montré de façon trop illustrative.

Malgré les meilleures intentions qui soient, Quartet est trop académique, donc poussiéreux. C’est lors du générique de fin que Dustin Hoffman s’approche le plus de son objectif, quand des vieilles photos nous montrent les acteurs du film au sommet de leur gloire. Alors, l’émotion nous effleure : certes ils sont encore capables de porter une œuvre de cinéma avec talent, mais personne ne peut rien contre les ravages du temps.

Note : 3/10

Quartet
Un film de Dustin Hoffman avec Maggie Smith, Tom Courtenay, Billy Connolly, Pauline Collins, Michael Gambon et Sheridan Smith
Comédie – Royaume-Uni – 1h38 – Sorti le 3 avril 2013

Little Big Man

Après Le Lauréat et Macadam Cowboy, Little Big Man est le film qui achève de faire de Dustin Hoffman une icône du renouveau du cinéma américain des années 70. Ce western sans héros égratigne les mythes du far west américain dans une succession de scénettes inégales, entre indignation et résignation.

Synopsis : Agé de 121 ans, Jack Crabb se souvient de son passé au temps de la conquête de l’ouest, entre son éducation par des cheyennes et son retour parmi les blancs.

Little Big Man - critiqueLittle Big Man est un western iconoclaste qui ridiculise l’idéal américain de la conquête de l’ouest. D’une part, le film dénonce le génocide des indiens en montrant le massacre des hommes, des femmes et des enfants par des blancs imbus de leur puissance et avides de domination et de violence. D’autre part, il détruit le mythe du cow-boy : celui-ci est parfois un alcoolique paranoïaque, parfois un vantard, parfois un imbécile sûr de lui.

Les dévots ne sont que des hypocrites soumis à des besoins sexuels d’autant plus omniprésents qu’ils se les interdisent. La prostituée a perdu son grand coeur, il ne lui reste que ses désirs lubriques, toujours plus puissants. Et les dévots et les prostituées ne sont d’ailleurs que les deux faces d’une même pièce. Quant à la famille protectrice, elle s’effondre vite devant la loi du chacun pour soi, tout comme l’esprit d’entreprise : le self-made man est en fait un voleur.

Dans cet univers mensonger, Jack Crabb passe par toutes les phases. D’enfant blanc orphelin il devient jeune guerrier indien plein de courage, de là il se transforme tour à tour en jeune religieux modèle, en charlatan professionnel, en légende de la gâchette, en commerçant marié, en soldat américain, en papa indien et même en mâle dominant d’une famille de quatre soeurs sexuellement insatisfaites.

L’histoire de Jack Crabb, c’est l’histoire de l’Amérique revisitée et mise à mal. De nombreux symboles constitutifs de l’identité américaine sont tournés en dérision : le conquérant d’un nouveau monde, le libre entrepreneur, l’homme bon et religieux, le guerrier intelligent et solitaire. Jack Crabb est tous ces hommes à la fois et pourtant il ne sera jamais meilleur que quand il sera cheyenne. Little Big Man est un film grave et pourtant léger, souvent drôle. L’indignation, partout présente, se transforme souvent en résignation devant un monde et des hommes qui ne tournent pas ronds. Little Big Man prend le parti qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer.

La succession de vignettes est aussi la limite du film : les multiples vies de Jack transforment son histoire en un pot-pourri d’expériences drôles mais finalement anecdotiques. Little Big Man a une fâcheuse tendance à tourner ici et là au film à sketches. Pourtant, de ces aventures se dégagent quelques personnages forts (le chef cheyenne, l’ennemi de Jack qui fait tout à l’envers, le charlatan qui perd une partie de son corps à chaque nouvelle apparition) et quelques moments marquants (l’horrible massacre de la famille cheyenne de Jack, l’attaque du convoi et de sa femme par des indiens ou encore le « départ » raté du chef et la vie qui s’obstine). Et un fort étonnement devant ce qui fut sans doute la réalité de l’ouest : des mesquineries, des violences et des antihéros qui ont été sanctifiés avec le temps. Un univers brutal et insensé mis forcément en regard du XXème siècle, l’histoire étant contée par un Jack Crabb de 121 ans et le film ayant été tourné pendant la guerre du Viêt-Nam.

Note : 5/10

Little Big Man
Un film d’Arthur Penn avec Dustin Hoffman, Faye Dunaway, Martin Balsam et Chef Dan George
Western – USA – 2h19 – 1970