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Blood Ties – critique cannoise

Suite du tour d’horizon de Cannes 2013 avec le film de Guillaume Canet, présenté hors compétition, et l’une des montées des marches les plus glamours de l’année. Le film, un thriller nostalgique du cinéma américain des années 70, est certes très classique dans sa forme, mais il arrive à créer des nœuds dramatiques efficaces jusqu’à un dénouement de tragédie grecque.

Synopsis : New York, 1974. Chris est libéré après plusieurs années de prison pour un meurtre. Devant la prison, Frank, son jeune frère, un flic prometteur, est là, à contrecœur…

Blood Ties - critique cannoiseAvec son casting cinq étoiles, Guillaume Canet reprend un film dans lequel il avait joué, dans une version américaine classique et codifiée. Comme si Canet voulait simplement imiter les polars américains des années 70. Tout ici, le scénario, les enjeux, l’image, les scènes d’action, rappellent ce cinéma-là.

C’est ce qui provoque parfois une certaine lassitude pour un film qu’on a l’impression d’avoir déjà vu dix fois. Pourtant, Canet arrive par moments à intensifier son intrigue et à nous intéresser vraiment au destin de ces deux frères.

Sur un scénario similaire, James Gray, ici co-scénariste, avait livré il y a quelques années le puissant La Nuit nous appartient. La mise en scène de Canet n’a pas l’ampleur de celle de son modèle, et Blood Ties est beaucoup moins dense et lumineux que ne l’était le film de Gray.

Pourtant, sans inventivité et sans génie, Guillaume Canet arrive à saisir peu à peu son spectateur, jusqu’à une scène finale très enthousiasmante. Un film finalement assez efficace pour nous prendre aux tripes lors de quelques séquences réussies.

Note : 5/10

Blood Ties
Un film de Guillaume Canet avec Clive Owen, Billy Crudup, Marion Cotillard, Zoe Saldana, Mila Kunis, James Caan et Matthias Schoenaerts
Thriller – USA, France – 2h22 – Sortie le 30 octobre 2013

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Contagion

En pleine boulimie créative, Steven Soderbergh livre 3 films coup sur coup : Contagion, Piégée et Magic Mike. Le premier, avec un casting digne d’Ocean’s Eleven et un pitch de blockbuster, déjoue toutes les attentes : il s’agit d’un film ingrat, peu aimable. C’est pourtant là que se trouve sa singularité.

Synopsis : L’histoire d’une pandémie dévastatrice qui explose à l’échelle du globe…

Contagion est un film-mystère. Visiblement, Soderbergh survole ses personnages et leurs situations particulières. Son propos semble être ailleurs, dans le grand tout dont il se fait l’observateur minutieux. Oui, mais que veut-il nous dire?

Certains y verront un pamphlet pour l’hygiène (pourtant, ici comme ailleurs, seul le hasard décide, on ne peut compter que sur la chance et l’isolation, programme peu réjouissant), d’autres pourront s’amuser de voir que le danger vient d’Asie. Les occidentaux sont en péril, victimes d’une mondialisation qui globalise tous les maux.

Mais ces sujets intéressent peu le cinéaste. Le film devrait être un récit apocalyptique digne de 28 jours plus tard. Pourtant, le blockbuster n’en est pas un. Et si tout simplement Soderbergh maitrîsait mieux que personne l’art du contrepied? Avec un casting et un budget dignes d’Ocean’s Eleven, le réalisateur de Solaris et de Bubble livre le film qu’on n’attend pas. Il passe consciemment à côté de la tragédie annoncée pour étudier froidement les mécanismes scientifiques, politiques et humains liés à une pandémie.

C’est cette manière de présenter des faits et rien que des faits qui donne paradoxalement sa valeur à Contagion. Le scénario, à force de multiplier les points de vue et d’éviter soigneusement de trop s’attacher aux histoires personnelles, ne permet aucune narration captivante. La surprise du film, c’est qu’il n’y aura pas de surprise. Soderbergh veut raconter le réel, il s’efface derrière son sujet et se transforme en reporter. Contagion est un film d’investigation. Finalement, la question cruciale n’est pas « où ça va? » mais « d’où ça vient? ». Contagion est un film en trompe-l’oeil, qui n’a de cesse de passer pour ce qu’il n’est pas.

Ce qu’il est, voilà exactement ce qui continue de nous interroger une fois le déroulé du film terminé. Contagion est une oeuvre qui nous demande de l’interroger. Pourquoi ce film? Qu’est-ce que cet objet, plus théorique que saisissant?

Si jamais Contagion doit donner quelque chose à penser en dehors de son propre statut, alors il ne s’agit sans doute ni d’hygiène, ni de politique. Cela est affaire de contexte. Non, il s’agit de fragilité. D’une humanité pleine de certitudes, d’organisations, de mécanismes, de procédures, de protections. Et d’une humanité qui pourtant n’est rien d’autre qu’une ligne incertaine dans le cours du temps. Pas moins vulnérable que ne l’étaient les dinosaures.

Quand on y réfléchit bien, Contagion est peut-être bien plus inquiétant qu’un film de Romero. Contagion ne fait pas appel à nos peurs irrationnelles d’enfants. Contagion est certes un film catastrophe sans âme. Mais la catastrophe n’en est que plus pure. Contagion ne romance pas, il parle de logique, de réalité, d’actualité. Un virus comme la grippe aviaire est d’autant plus terrifiant qu’on s’en est sortis. Car entre la réalité et les zombies, il y a un abîme. Mais entre un vrai virus qu’on arrive à maîtriser et ce même virus qui nous anéantit, il n’y a qu’une légère différence de scénario. Un petit concours de circonstances qui pourrait faire basculer la réalité toute entière dans l’oubli. Contagion parle de ça, de cette mécanique qui peut nous sauver, la plupart du temps, ou un jour nous être fatale.

Note : 5/10

Contagion
Un film de Steven Soderbergh avec Marion Cotillard, Matt Damon, Laurence Fishburne, Jude Law, Kate Winslet, Bryan Cranston, Jennifer Ehle et Gwyneth Paltrow
Drame – USA – 1h46 – Sorti le 9 novembre 2011

Minuit à Paris

Un film de Woody Allen avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Marion Cotillard…
Comédie – USA – 1h34 – Sorti le 11 mai 2011
Titre original : Midnight in Paris
Synopsis : Un jeune couple d’américains se rend pour quelques jours à Paris. La magie de la capitale ne tarde pas à opérer sur le jeune homme.

Minuit à ParisQuand Woody Allen sort un film, on se demande toujours si on va tomber sur un petit moment agréable, un vrai bon film ou une perle. Mettons fin tout de suite au suspense : Minuit à Paris est un film majeur de la filmographie du cinéaste, sans aucun doute le meilleur depuis Match Point.

Et le spectateur parisien sera tout heureux de voir le réalisateur new-yorkais si inspiré par la ville lumière. On attendait de Woody Allen une représentation carte postale fatigante (et sans doute fatiguée) de Paris. Il n’en est rien. En un générique de début qui prend volontairement son temps, le film épuise toute la beauté romantique et pompeuse des monuments parisiens. Oui, il s’agira bien d’une carte postale, mais ce ne sera pas le cadre du film, ce sera son sujet.

Paris est la ville de l’amour, de l’art, du progrès et des poètes maudits. Paris est la ville des marginaux, mais c’est aussi la ville du luxe, la ville-musée que visitent ces riches américains conservateurs, satisfaits du confort pittoresque qui leur est offert dans les hôtels bourgeois. Paris est l’une des capitales de l’occident du XXIème siècle, où règnent la vitesse, l’hypersociabilité, l’hyperconsommation et l’individualisme. Mais Paris est aussi le meilleur endroit pour fuir cet univers.

C’est en tout cas ce que pense Woody Allen, qui s’amuse comme un fou à emmener le spectateur dans une farce grandiose où tout est carte postale et où pourtant, la vérité surgit, véritable joyau serti d’émotion, d’humour, de remise en question et d’envie de vivre. Minuit à Paris est une ôde à la réflexion, à l’art, à la poésie, aux discussions et aux coeurs enflammés. C’est un film qui révèle l’importance de notre histoire, personnelle et collective, l’importance de l’histoire d’un lieu, qui continue à l’habiter à jamais. Paris aujourd’hui, c’est la superposition de tout ce qu’a été Paris jusqu’à aujourd’hui, comme nous sommes la superposition de tout ce que nous avons été depuis notre naissance et de tout ce qu’ont été les hommes avant nous.

Nous avons plus que jamais besoin de notre passé, non pas pour vivre à reculons mais pour progresser. Minuit à Paris est alors un appel au combat plutôt qu’à la fuite : nous devons faire face, vivre notre présent et l’améliorer de tout nos rêves, qu’ils nous viennent de notre histoire ou de notre imagination.
La fable est d’un optimisme tranquille rare chez le réalisateur, comme si celui-ci avait adhéré au programme moral de Barack Obama : Yes, we can. Owen Wilson reprend parfaitement le flambeau des héros alleniens, Marion Cotillard, charmante comme jamais, livre l’une de ses performances les plus remarquables, et si les dialogues sont trop explicatifs sur la fin, on est pris jusqu’au bout dans le tourbillon d’un scénario d’une rare finesse.

Si le message est magnifique, le moment passé devant le film est magique, romantique et intellectuel. Paris et ses clichés. Et c’est au beau milieu de ces clichés que Woody Allen les transcende et met à jour ce qu’ils dissimulent : une part de vérité et une part de rêve.

Note du film : 8/10

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