Et maintenant on va où ?

Grande réussite de comédie et de tragédie entremêlées, le second film de Nadine Labaki livre malheureusement un propos au mieux maladroit, au pire scandaleux. Si la réalisatrice renvoie dos à dos les différentes religions et appelle de ses vœux la paix entre les peuples, elle nous montre ici son véritable ennemi : la gent masculine.

Synopsis : Au Liban, un village isolé, cerné par des mines. les femmes chrétiennes et musulmanes complotent pour empêcher les hommes de se battre. Jusqu’au jour où un drame surgit…

Et maintenant on va où ? - critiqueA mi-chemin entre la fable universelle et le naturalisme cru des guerres de religion, Et maintenant on va où ? trouve un équilibre juste et plaisant. Si certains effets n’étaient pas forcément utiles pour appuyer la poésie de l’histoire (les parties chantées notamment), on ne peut pas nier le talent de Nadine Labaki pour passer de situations burlesques hilarantes à des moments d’inquiétude et d’intense émotion.

La troupe d’acteurs est excellente, les gags désamorcent la tragédie sans jamais lui enlever de sa gravité. On ressent beaucoup d’authenticité dans les dialogues, dans les péripéties parfois drôles, parfois dramatiques, le film capte avec subtilité la proximité menaçante qui existe entre les blagues potaches et la rancune tenace, entre la camaraderie et l’hostilité franche. Une simple broutille peut alors transformer les moindres enfantillages en lutte armée, l’amertume n’est jamais loin, toujours prête à ressortir, décuplée, sous le visage de la haine. Le film illustre avec intelligence le processus de l’escalade : un détail insignifiant fait passer les hommes des chamailleries de la cour de récréation aux meurtres les plus abominables. La paix est un équilibre toujours précaire.

Pourtant, le propos, sous ses airs d’évidence, laisse un malaise désagréable.
Premièrement, parce que pendant la grande majorité du film, la seule solution envisagée contre la guerre est de distraire les belligérants, d’abord en leur cachant les informations importantes sur le monde qui les entoure, ensuite en les trompant, enfin en essayant de leur changer les idées, grâce au sexe et à la drogue notamment. C’est-à-dire, éviter la guerre en utilisant l’ignorance, le mensonge, la bêtise, l’insouciance, les plaisirs égoïstes, voire même la force. Ces méthodes naïves sont forcément inefficaces dans le temps et, pire, dangereuses. Heureusement, le film, devant l’échec de ces manœuvres grossières, propose finalement une solution aussi absurde que poétique.

Deuxièmement, et c’est ça le plus grave, parce qu’ici, sortir d’une opposition (chrétiens/musulmans) suppose en exacerber une autre (homme/femme). A tel point qu’on peut se demander si Et maintenant on va où ? n’est pas d’abord un film féministe avant d’être un film contre les conflits interreligieux. On est sûr en tout cas que remplacer la guerre des peuples par celle des sexes est une énorme idiotie qui fait perdre toute crédibilité au propos. Mis à part le prêtre et l’imam, les hommes du film sont tous puérils, violents, idiots, ridicules et dangereux. On est indigné de voir qu’il serait toujours nécessaire, pour apaiser un conflit, de trouver d’autres clivages, d’autres cibles contre lesquelles se battre.

Malgré son charme indiscutable et cette fin d’une intelligence bien plus complexe qu’elle n’y parait d’abord, on reste très sceptique devant ce portrait finalement manichéen (c’est un comble!) d’une société où la sagesse est systématiquement le propre de la femme et la bêtise celui de l’homme.

Note : 5/10

Et maintenant on va où?
Un film de Nadine Labaki avec Nadine Labaki, Claude Msawbaa, Leyla Fouad
Comédie dramatique – France – 1h50 – Sorti le 14 septembre 2011

Publié le 30 septembre 2011, dans Films sortis en 2011, et tagué , . Bookmarquez ce permalien. 5 Commentaires.

  1. Un film féministe? Vraiment? Avez-vous jamais connu une féministe qui encourage à se diriger vers les services des stripteaseuses?

  2. Je ne dis pas que les personnages sont féministes, je dis que le film l’est.

  3. Plutôt d’accord avec ton dernier paragraphe 🙂

  4. A force de se mettre en scène Nadine Labaki, est passé à côté de sa fable,qui voulait nous faire croire que l’on pouvait sauver le monde avec un peu de bonne volonté, de part et d’autre des frontières. C’est possible, c’est même certain et la chose s’est déjà produite.

    Mais comme ellle répète toujours la même chose, on demeure sur place et tout est prévisible. Les scènes sont téléphonées, peu crédibles, et les bagarres entre villageois, n’attendent que le clap de départ pour s’émoustiller dans un décor de faux western. L’idée principale ( la venue des filles ) n’est même pas exploitée.
    Extrait de http://www.lheuredelasortie.com/critique-cinema-et-maintenant-on-va-ou/

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