Archives Mensuelles: juillet 2011

King Kong

S’il est des films mythiques dans l’histoire du 7ème art, le King Kong original en est assurément un. Le sujet du film est entièrement nouveau, créant l’un des monstres les plus connus de l’histoire et inspirant une tripotée de remakes jusqu’à celui de Peter Jackson. Mais le premier King Kong reste le meilleur, un film d’aventure impressionnant et un film d’amour déchirant.

Synopsis : Ann Darrow, une belle blonde au chômage, est engagée pour être la vedette d’un film dont le tournage se passera sur Skull Island, une île habitée par une créature mystérieuse…

King Kong - critiqueKing Kong reste, presque 80 ans après sa sortie, un film très impressionnant. Les effets spéciaux balbutiants sont pourtant convaincants et l’émotion est là. King Kong effraie puis attendrit, le double caractère de la bête, sa force brute et sa solitude, lui donnent une complexité mystérieuse et attachante.

Le scénario est étonnant et le film crée l’un des monstres les plus connus de l’imaginaire de l’humanité. L’aspect social du début du film cède peu à peu la place au mystère et à l’effroi.

La scène dans laquelle Fay Wray, sur le bateau, joue la peur sans savoir ce qu’elle est censée craindre, est magnifique. Elle devient interprète de son futur, elle s’offre alors à sa destinée par la magie du cinéma (dans le cinéma).

Les courses poursuites sur l’île du crâne sont aujourd’hui classiques mais elles étaient très inventives pour l’époque et sont à l’origine de bien des films d’aventure. C’est quand King Kong est amené de force dans la ville de New York que le film trouve toute sa puissance dramatique.

Il s’agit alors de spectacle-voyeurisme, sujet toujours brûlant aujourd’hui, et traité ici de manière résolument moderne et terrifiante. Puis, de traqueur, le singe géant devient traqué, déraciné dans une métropole hostile. Là, pas de falaises ou de forêts où se cacher, il ne trouve que l’Empire State Building. L’image est extraordinaire et restera à jamais dans l’imaginaire collectif : King Kong domine l’homme et pourtant il est isolé, tel ce building perdu au milieu de la ville. Perdu d’amour, il est voué à la mort. Pas de transformation comme dans La Belle et la bête, même pas l’amour de la belle qui, dans cette version originale, détestera le monstre jusqu’à la fin.

Ne pouvant inspirer que la peur à l’objet de son amour, il préfère le protéger et mourir. « Ce ne sont pas les avions, c’est la belle qui a tué la bête. » Un film d’aventure complexe et déjà freudien, empli d’une puissance sexuelle qui rappelle que le désir, l’angoisse et la souffrance sont des notions toujours entremêlées.

Note : 7/10

King Kong
Un film de Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper avec Fay Wray et Robert Armstrong
Fantastique – USA – 1h40 – 1933

Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2

Dernier des 8 épisodes de la saga, cet Harry Potter était forcément attendu comme un événement cinématographique majeur par les fans. Pour les autres, dont je fais partie, rien d’exceptionnel si ce n’est l’univers visuel, réussi. L’intrigue est assez pauvre, le dénouement est convenu, le propos est inexistant. Reste le personnage de Severus Rogue, ambigu et romanesque.

Synopsis : Le combat entre le bien et le mal touche à sa fin. Harry Potter est appelé pour l’ultime sacrifice alors que se rapproche la dernière épreuve de force avec Voldemort.

Harry Potter et les reliques de la mort - Partie 2 - critiqueLa première partie du chapitre final de la saga était complètement ratée, la faute à une intrigue d’une pauvreté affligeante. La seconde partie est beaucoup plus réussie et renoue avec le meilleur des huit épisodes que comptent finalement les aventures cinématographiques d’Harry Potter.

Tout doit se dénouer ici, les enjeux redeviennent clairs (trouver les horcruxes et les détruire pour anéantir l’âme de Voldemort), l’univers grisâtre contraste fortement avec les premières apparitions du jeune sorcier dans l’ambiance festive d’un internat d’exception nommé Poudlard. Tout se resserre autour de l’essentiel : la lutte entre le bien et le mal, entre Harry et Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. L’intrigue retrouve alors sa cohérence.

L’image toujours léchée, les couleurs froides et menaçantes, la fébrilité omniprésente permettent d’installer une atmosphère d’apocalypse toujours convaincante. Plus on se rapproche de la fin de l’histoire, plus on semble se rapprocher de la fin du monde, et même les novices d’Harry Potter se laissent rattraper par l’ampleur du mythe : on sent qu’une aventure gigantesque va ici se terminer, une aventure cinématographique qui a battu de nombreux records, une aventure romanesque qui a captivé des millions de lecteurs et autant de spectateurs.

Pourtant, pour quelqu’un comme moi qui n’a jamais été convaincu par l’histoire de l’apprenti sorcier, ce qui fut gênant dans les opus précédents continue de plomber l’épilogue. Pour commencer, ces références constantes à toute la mythologie d’Harry Potter et qui nuisent à la compréhension du profane. Cela fait déjà plusieurs épisodes que j’essaie, par exemple, de me rappeler du rôle de Sirius Black, dont les apparitions furtives ne servent plus du tout l’intrigue. Les clins d’oeil pour l’initié sont partout et contribuent à creuser le fossé entre les fans et les autres. Ceux-ci se perdent souvent dans les motivations des personnages et finissent par suivre les héros passivement, presque abrutis par la surenchère visuelle.

Ensuite, jamais le scénario n’arrive à être vraiment original ou à tenir un propos. On est assommés par l’exceptionnelle diversité des créatures, objets, lieux et personnages mais tout ceci cache mal la grande banalité des événements et rebondissements auxquels sont confrontés les héros. Enfin, la qualité des seconds rôles est souvent sacrifiée à leur quantité, le film ne pouvant pas les développer tous de manière intéressante en seulement deux heures. Là encore, Harry Potter et les reliques de la mort reste une adaptation qui vise d’abord les lecteurs de J.K. Rowling, il faut que tout y soit, David Yates refuse de sacrifier au format cinéma ce qui ne peut pas être rendu intéressant à l’écran.

Le dénouement final est faible (surtout si l’on considère qu’il s’agit de finir 16 heures de film) et absolument peu crédible. Ce qui devrait arriver fatalement n’arrive pas, tout finit par être lisse et (étrangement) sans relief. Le personnage qui attire toute notre attention n’est ni Harry, ni Voldemort, mais bien Severus Rogue. L’histoire et la complexité de ses actes et de ses motivations sont plus intrigantes que toute la recherche un peu mécanique d’horcruxes qu’entreprennent Harry et ses amis. Le professeur Rogue nous fascine, nous effraie, nous émeut et nous permet de reconsidérer tout un pan fondamental de l’histoire d’Harry Potter. La saga aurait pu être un vrai succès si chaque personnage avait bénéficié d’une attention aussi poussée de la part des scénaristes et d’une interprétation aussi subtile que celle d’Alan Rickman. Ce n’est malheureusement pas le cas.

Note : 3/10

Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 (titre original : Harry Potter and the Deathly Hallows – Part 2)
Un film de David Yates avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson et Ralph Fiennes
Fantastique – Royaume-Uni, USA – 2h10 – Sorti le 13 juillet 2011

J’aime regarder les filles

Comment s’intéresser autant à ses problèmes de coeur et aux enjeux politiques de son temps, surtout quand on a 18 ans? C’est la question posée par ce petit film sympathique. Dommage que la politique peine à exister derrière une romance omniprésente. Les impulsions des personnages sont néanmoins saisies dans un vrai souffle romanesque qui emporte souvent le morceau.

Synopsis : 9 mai 1981. Primo, fils de petits commerçants, et Gabrielle, fille de grands bourgeois parisiens, se rencontrent. Primo, plein d’audace, se fait alors passer pour un gosse de riche…

J'aime regarder les filles - critiqueJ’aime regarder les filles est un drôle de petit film, plaisant mais finalement pas très ambitieux. Pourtant, Frédéric Louf fait des choix forts : il place son histoire dans une réalité historique très symbolique, lors de la première élection de François Mitterrand en 1981. L’occasion pour lui de confronter des jeunesses bien différentes. D’un côté les fils à papa, sûrs d’eux et du pouvoir de l’argent, mais aussi effrayés par l’accession des « rouges » au gouvernement. De l’autre, la jeunesse qui galère, qui cherche des petits boulots ingrats pour pouvoir s’acheter des chaussures sans trou, impressionner les filles et, s’il reste quelque chose, payer son loyer.

Primo vient de la classe moyenne, il galère pour avoir son bac. Sa rencontre imprévue avec Gabrielle, une fille de la bourgeoisie parisienne de qui il tombe instantanément fou amoureux, le pousse à essayer de passer pour celui qu’il n’est pas, à changer de milieu social. En contrepoint, il devient ami avec Malik, un jeune sans le sou issu de l’immigration. Entre ces deux pôles politiques très définis, Primo est plutôt indifférent : mollement de gauche, il est plus intéressé par ses problèmes personnels que par la politique française, alors même qu’il peut voter pour la première fois à une élection qui va changer la face de la France.

Mais J’aime regarder les filles, malgré son contexte politique fort, n’arrive pas à être un film politique. La faute à un personnage principal qui a bien du mal à prendre conscience de l’importance de sa voix et de ses opinions. Intéressé seulement par ses amours, Primo paraît inconscient et souvent égoïste. Ce ne sont pas les bêtises qu’il est prêt à faire par amour qui gênent vraiment (au contraire, on comprend parfaitement ce qu’il ressent), mais plutôt son total désintérêt pour tout le reste, et notamment pour ce contexte politique que le réalisateur ne cesse pourtant de mettre en avant.

Quant aux histoires d’amour, bien traitées, très crédibles et vraiment attachantes, on regrette qu’elles se terminent dans un grand élan de romantisme mal contrôlé. Frédéric Louf a voulu donner corps à ses fantasmes de jeune adulte : il fait rencontrer à Primo, son alter ego, la fille parfaite, romantique, intelligente, drôle, un peu décalée, progressiste malgré sa fortune, compréhensive, belle, dotée même du père parfait. C’est un peu trop d’idéal pour que le film garde sa crédibilité.

J’aime regarder les filles pouvait être un film ancré dans le réel, entre amour et politique. Mais il passe à côté de la politique et transforme l’amour en conte de fée. Dommage car Frédéric Louf aura réussi à saisir magnifiquement les impulsions des personnages. C’est dans ces moments de courses poursuites, de bagarres, de joutes verbales, de sauts par la fenêtre, de confrontations que le film est particulièrement juste. Les élans du coeur et les humeurs incontrôlées (entre amis, entre père et fils, entre concurrents) font toute la valeur de ce premier film sympathique. L’échec à montrer les choix de raison et l’engagement ne lui permettent pas d’atteindre les hauteurs espérées.

Note : 5/10

J’aime regarder les filles
Un film de Frédéric Louf avec Pierre Niney, Audrey Bastien, Lou de Laâge et Ali Marhyar
Romance, Comédie dramatique – France – 1h32 – Sorti le 20 juillet 2011

Avant l’aube

A vouloir appuyer son discours social par une symbolique omniprésente, Avant l’aube oublie de bien développer son intrigue. Le thriller est mou, a bien du mal à avancer et déçoit beaucoup. Avec un tel point de départ, Raphaël Jacoulot aurait pu nous emmener très loin. Au lieu de ça, il déroule sans se fouler une enquête sans surprise et sans coup d’éclat.

Synopsis : Frédéric, un jeune en réinsertion, travaille dans un grand hôtel à la montagne. Un client disparaît. Frédéric suspecte la famille qui l’emploie mais choisit de protéger son patron…

Avant l'aube - critiqueCe qui est regrettable dans Avant l’aube, c’est que le thriller n’est finalement qu’un prétexte à un discours sur la lutte des classes qui n’est pas sans rappeler celui d’un petit film italien sorti quelques semaines auparavant, La Bella Gente.

Deux univers, celui des bourgeois du haut de la montagne et celui des prolétaires de la vallée. Et l’espoir, pour un jeune qui a tout contre lui, de monter l’échelle sociale, de trouver une famille tutélaire, un père spirituel. L’espoir, qui sait, de s’en sortir. La mise en scène est un peu artificielle, aussi bien dans le déroulement de l’intrigue, pas toujours crédible, que dans son ton auteurisant, à grands renforts de regards silencieux et de gestes qui disent tout.

La complexité des rapports humains, l’interpénétration douloureuse et finalement impossible des milieux sociaux, la part de manipulation et celle, réelle, de sincérité, dans les rapports entre Jean-Pierre Bacri, fidèle à lui-même, et Vincent Rottiers, dont le talent était mieux mis en valeur dans A l’origine, sont plutôt bien senties. L’atmosphère de mystère, voire de danger qui guette, plane partout sur le film mais le plombe un peu : le noeud de l’intrigue policière n’est pas à la hauteur de toute cette tension.

Au final, on est fatalement déçus, même si la résolution de l’histoire est habile : le générique final feint de laisser l’affaire en suspens alors que quelques mots ont averti le spectateur que l’enquête ira jusqu’au bout. Cette bonne idée scénaristique fait plaisir : on laisse au spectateur le soin d’imaginer la suite alors que tout a été dit. Du point de vue du crime, c’est malheureusement la seule idée un peu forte du scénario. Dommage pour un thriller.

Note : 4/10

Avant l’aube
Un film de Raphaël Jacoulot avec Jean-Pierre Bacri, Vincent Rottiers, Ludmila Mikaël et Sylvie Testud
Thriller – France – 1h44 – Sorti le 2 mars 2011

Chico & Rita

Chico & Rita s’inspire en partie de la vie de Bebo Valdés, grand musicien cubain qui, à plus de 90 ans, donne sa voix à Chico et compose la musique du film. Cette grande romance fait la part belle à la musique cubaine et à sa rencontre avec le jazz des USA, sans arriver à approfondir vraiment ses thématiques. Un film joli mais un peu anecdotique.

Synopsis : Cuba, 1948. Chico, jeune pianiste talentueux, et Rita, à la voix envoutante, tombent amoureux. Leur amour sera mis à l’épreuve des rêves de gloire qu’ils poursuivent tous deux.

Chico & Rita - critiqueDessin à l’ancienne, histoire à l’ancienne. Chico & Rita est une grande fresque amoureuse qui frémit sur les rythmes de la musique cubaine et qui épouse les bouleversements politiques de la seconde moitié du XXème siècle. Chico et Rita partagent l’affiche avec La Havane et New York, qui donnent au film son décor, son atmosphère et son humeur.

Le « Je t’aime moi non plus » est une partition bien connue que le film applique à la lettre, suivant en cela les traces de New York, New York. Les deux amoureux s’aiment et se quittent, pour mieux se retrouver plus tard. Le charme désuet est à la fois celui du joli dessin coloré et presque fragile de Javier Mariscal, en 2D bien sûr, et celui d’une musique d’époque qui semble vouloir raviver le Cuba d’antan. La romance est d’un classicisme appuyé, avec pour ingrédients clés le succès, les trahisons, la misère, la fortune, la jalousie, tout cela entremêlé dans une vie passée trop vite, à l’ombre d’un air de rumba.

Beaucoup de sujets sont abordés en toile de fond, le racisme, le socialisme cubain, le star-system, le pouvoir de l’argent. Aucun n’est particulièrement développé, tout reste en surface, c’est toujours l’amour et la musique qui emportent le morceau.

Au final, Chico & Rita est sympathique, comme un film d’animation venu d’un autre temps, mais pas forcément mémorable. L’épilogue n’est pas convaincant et finit de faire du film une fable certes agréable, mais sans importance.

Note : 4/10

Chico & Rita (titre original : Chico and Rita)
Un film de Fernando Trueba et Javier Mariscal avec les voix de Bebo Valdés, Idania Valdés et Estrella Morente
Film d’animation, Romance – Espagne, Royaume-Uni – 1h34 – Sorti le 6 juillet 2011