The Tree of Life
Un film de Terrence Malick avec Brad Pitt, Jessica Chastain et Sean Penn
Drame – USA – 2h18 – Sorti le 17 mai 2011
Synopsis : Jack grandit entre un père autoritaire et une mère aimante. La naissance de ses deux frères et un événement tragique viennent troubler son équilibre précaire…
Palme d’or au Festival de Cannes 2011
D’abord il y a le drame. Plus jamais la vie ne pourra être comme avant, car au milieu de la vie, il y a la mort, et la douleur incomparable qu’elle laisse à ceux qui doivent continuer. Tant qu’il n’y a que la vie, l’homme ne se pose qu’une question : comment? Comment vivre, comment se nourrir, comment se réchauffer, comment être heureux?
C’est parce qu’il y a la mort, à cause d’elle ou grâce à elle, que l’homme doit se poser une seconde question : pourquoi? Pourquoi vivre, pourquoi se nourrir, pourquoi se réchauffer, pourquoi être heureux? La démarche de Terrence Malick devient alors évidente : il part d’un drame quotidien, la mort d’un enfant, et pour répondre au mystère et à la détresse engendrés par cette disparition, il décide de filmer non pas l’histoire de l’humanité, comme l’avait fait Kubrick dans 2001, L’Odyssée de l’espace, mais l’histoire de l’univers tout entier.
La vie de cette famille se trouve alors replacée dans son contexte le plus global, la marche du temps depuis la naissance de l’univers (le Big Bang) jusqu’à la naissance de Jack. Et dans ce voyage mystique depuis les origines, déjà deux attitudes semblent devoir se partager le monde : la violence et la contemplation. Il s’agit de dominer ou d’être dominé, de se battre ou d’accepter, d’attaquer ou de se défendre, d’être coupable ou victime. Il s’agit de choisir entre ce que le film appelle la voie de la nature et la voie de la grâce. Car l’univers entier semble fonctionner suivant cette dialectique. L’amour, violent ou apaisé, n’est que le résultat de cette lutte qui s’opère en chacun de nous.
Jack la ressent en lui d’autant plus fortement que ses parents ont chacun choisi l’une de ces deux voies. Entre la méchanceté supposée d’un père torturé et la naïveté simple d’une mère lumineuse, Jack représente une humanité déchirée entre le besoin de comprendre, de maîtriser, et celui d’admirer, de s’extasier.
Le film lui-même est tendu entre ces deux nécessités. D’un côté, une caméra virevoltante, lègère comme elle ne l’a jamais été chez le réalisateur. Toujours contemplative de l’absolue beauté de la nature (et de celle des créations humaines), mais beaucoup plus mobile. Le regard du réalisateur, unique, transmet un émerveillement sans borne pour la force mystique qui semble se cacher derrière les actes les plus évidents de la vie quotidienne. Le talent terrifiant de Terrence Malick, c’est d’arriver à imposer, dans un contre-champs auquel le spectateur n’aura jamais accès, une présence fantastique, quasi-divine, comme si les personnages n’étaient jamais seuls, comme si le hasard ne pouvait pas exister, comme si le Big Bang, la course des planètes, l’apparition et la disparition de la vie et l’existence de Jack procédaient d’un même tout indivisible.
A l’opposé de cette mise en image libérée et presque en apesanteur, le propos est lourd, écrasé par le poids de la condition humaine. Jack, devenu adulte, est poursuivi par les démons de son enfance et par ceux de l’humanité. The Tree of life, avec un tel nom, ne pouvait être qu’un film sur l’essence de nos origines. Pour comprendre qui nous sommes et pourquoi nous sommes. Chaque embranchement est fondamentalement lié au tronc et aux racines. Et s’il s’agit un peu de l’enfance, il s’agit aussi de l’humanité et de l’univers, forcément. Ces questions que nous posent la mort, seule la mort semble en mesure de les résoudre.
The Tree of life se termine sur une séquence qui explicite maladroitement la philosophie panthéiste que l’on avait ressenti durant tout le film. L’image finale est malheureusement un lieu commun sans intérêt, à mille lieux du génie terrifiant de Kubrick et de son foetus cosmique.
Terrence Malick filme formidablement, son lyrisme appuyé sert à merveille sa réflexion sur la place de l’homme dans l’étendue de l’existence, les dilemmes qu’il met devant ses personnages sont fondamentaux. Et pourtant, sa philosophie s’embourbe quand il essaie de réconcilier beauté et compréhension du monde. Au début du film, on nous explique qu’il y a deux voies, celle de la nature et celle de la grâce. C’est parce que Terrence Malick ne s’en tient pas à ce programme annoncé, c’est parce qu’il essaie finalement de réconcilier nature et grâce qu’il échoue. La réflexion s’effondre sur elle-même, rattrapée par une foi démesurée.
Note : 6/10
Publié le 24 mai 2011, dans Films sortis en 2011, et tagué Brad Pitt, Cannes 2011, drame, Palme d'or, Sean Penn, Terrence Malick. Bookmarquez ce permalien. 9 Commentaires.
Ted,
Je me demandais, lequel des garçons disparaît ? Je n’ai pas bien compris. Le petit garçon que l’on voit de temps en temps, qui a une partie de son cuir chevelu brûlé, est-il le plus jeune des fils ?
Alors Gaëlle, de ce que j’ai compris, le petit garçon avec le cuir chevelu brûlé n’est pas l’un des enfants de la famille, c’est un ami à eux. La famille a 3 enfants : l’aîné c’est Sean Penn, le deuxième c’est le blondinet qui joue de la guitare et qui fait des dessins et le troisième c’est le gamin qui est avec eux deux de temps en temps. Et celui qui disparaît, c’est le second, l' »artiste », le blond, le doux, celui qui a repris le caractère contemplatif de sa mère (et à qui son frère aîné fait des crasses de temps en temps, lui qui a repris le caractère violent de son père)…
Alors, de bonnes pistes de réflexion dans cette critique de ce film tellement merveilleux, malheureusement, et ce n’est pas votre faute car nous sommes dans une société où tout se juge et tout se note, je trouve déplacé ce système de notation, au caractère tellement aléatoire et pour le coup totalement stupide. Les oeuvres d’art n’ont pas à être notées, on aime, on aime pas, et entre ces deux affirmations il y a tout un tas de nuances qui ne trouvent pas leur justification dans les chiffres je suis désolé. Vos écrits expliquent à eux seuls la manière dont vous avez reçu ce film. Cordialement.
Sébastien, je ne suis simplement pas d’accord. Le système de notation n’a rien d’aléatoire, il est le fruit d’un jugement. Et oui, je n’ai pas peur de dire que je juge les films que je vais voir. Je les aime, je ne les aime pas, et c’est déjà un jugement, et entre les deux il y a effectivement tout un tas de nuances qui peuvent à mon sens se traduire au final par une note. Il n’est pas plus absurde de mettre 5, 6 ou 7 à un film que de dire qu’on l’a trouvé moyen, assez bon ou bon. Je pense qu’on peut décider (ou non) de noter à quel point on a aimé ou pas une oeuvre d’art.
Nous ne serons pas d’accord, donc. En revanche désolé pour l’amorce j’ai trouvé votre blog complètement par hasard et les critiques sont globalement bien écrites et construites, bravo donc. J’aurais peut-être dû commencer par là. Allez, un 7/10 pour la tenue générale du site, puisque vous aimez bien les notes. Bonne continuation.
Pas de problème pour l’amorce, le débat de la note se pose, on n’est pas d’accord, ça arrive 😉
Merci pour les critiques, ça fait plaisir!
Terrence Malick prend dans ses films le risque de faire confiance a son public qui à la vue des réactions ne le lui rend pas toujours… Ce film à la photographie exceptionnelle (et qui mériterait un oscar pour cela) prend le pari de nous faire ressentir subtilement les états d’ames de Jack. Il y aurait d’ailleurs une analyse de psychanalyse intéressante à réaliser sur l’identification de Jack a son père, et son désir d’être aimé de lui. C’est d’ailleurs le message qui en ressort, a savoir l’amour des gens que l’on rencontre qui fait de nous ce que nous sommes… En cela, je ne reprocherai pas à Malick d’avoir raté sa fin pour cause d’avoir voulu réconcilier nature et grâce, puisque c’est en fait Jack qui fait cette réconciliation… 9/10 pour moi.
Photographie exceptionnelle, c’est vrai, comme à chaque fois chez Malick. Quant à la réconciliation entre nature et grâce, elle me parait incohérente. Jack me semble déchiré, l’apaiser à la fin du film me paraît être un acte de foi. C’est un choix auquel je n’adhère pas. Ce qui n’empêche pas le film d’être souvent saisissant.
Je viens de voir ce film . Une claque ! Pourtant je suis plutôt anti religion . Ce film est pour moi une expérience , une réminiscence des sensations de l enfance , c est un point de vue d enfant celui de Jack avec toutes les questions existentielles que l on peut se poser , qu ´est ce que la vie , quelle est l origine de la vie , qu est ce que l homme , la nature . J ai repensé aux livres de chevet de mon enfance , astronomie , dinosaures , monde aquatique . Ce film est une façon de revenir aux origines , a l essence de la nature humaine . Selon moi ,Malick montre que l homme , la nature et Dieu ne font qu un . C est un film à la philosophie panthéiste . En tout cas dans mon entourage, personne n a aimé ce film et je regrette de ne pouvoir partager ce ressenti , c est dommage de passer à côté ….