Polisse
Prix du Jury à Cannes, Polisse est le film le mieux récompensé de la sélection française, devant le tendre The Artist, le cérébral Pater et l’intrigant L’Apollonide. Des 4 films, Polisse est le seul en prise directe avec la réalité contemporaine. Malgré un réalisme percutant, le film est quelque peu étouffé par la quantité des intrigues et la présence égocentrique de Maïwenn.
Synopsis : Le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs), entre affaires de pédophilie et de parents maltraitants, fous rires et drames personnels.
Polisse a tout du film opportuniste : la police a une mauvaise image dans l’opinion publique, Maïwenn se dresse en réparatrice des torts faits aux flics, qui font quand même un sale boulot indispensable, dans l’intérêt de tous. La Brigade de Protection des Mineurs bénéficie en plus de dossiers évidemment glauques : pédophilie, maltraitance, exploitation, pauvreté, tout y passe et les victimes sont toujours des enfants, fragiles et paumés. Le spectateur peut facilement s’indigner et entrer en empathie avec les policiers. Quand il faut protéger des mineurs de leurs propres parents, la tâche devient forcément rude et les séparations sont toujours terribles. La BPM représente alors le dernier espoir pour ces innocentes victimes.
Plus encore que dans Le Bal des actrices, Maïwenn empile les petites histoires, comme s’il lui fallait absolument être exhaustive : toutes les situations, les plus communes et les plus bizarres, auxquelles peut être confronté ce service de la police, doivent être traitées. On ne peut pas nier que tout paraît vrai, que certaines séquences sont décrites avec un réalisme saisissant. Mais à trop énumérer, le film se transforme en catalogue et on est bien en peine, à la fin de la projection, de se rappeler d’autre chose que de fragments de tragédies, comme si on avait lu la rubrique faits divers d’un journal à sensation.
Ce qui nous marque finalement le plus, ce sont les policiers eux-mêmes. Les différentes affaires, aussi glauques soient-elles, ne font que former le cadre de vie de ces employés au quotidien bien particulier. Les drames qu’ils sont amenés à gérer chaque jour empiètent sur leur vie privée, envahissent leur vie de famille, ébranlent leurs convictions. Maïwenn voulait nous montrer le fonctionnement « familial » d’une équipe de la BPM. Après tout, les policiers ne sont que des hommes et des femmes comme les autres, qui doivent affronter des situations très difficiles et dont le travail n’est pas reconnu à sa juste valeur (surtout à la BPM). Mais à force de vouloir nous donner de la sympathie pour chacun, de nous expliquer les raisons de l’un et les souffrances de l’autre, Maïwenn normalise les personnalités, uniformise les individualités. De l’équipe, seuls 3 personnages tirent vraiment leur épingle du jeu : le tandem Marina Foïs / Karin Viard, qui est sans doute à l’origine de la meilleure scène du film, lorsque toute la frustration de l’une éclate en haine de l’autre. Et Joey Starr, l’écorché de la bande, celui qui refuse de se résigner, à qui Maïwenn offre toute son attention, toute son admiration narcissique.
Et puis il y a Maïwenn, qui comme dans Le Bal des actrices, se met en scène dans un rôle proche de celui qu’elle occupa en réalité. Ici, elle est en marge de l’équipe de la BPM puisqu’elle l’accompagne pour la photographier dans son quotidien. Un rôle d’observateur qu’elle a effectivement dû tenir pour préparer son film. Et la responsabilité qui va avec, dans les choix qu’elle va faire pour retranscrire ce qu’elle a vu. C’est sans doute ici que se joue l’enjeu le plus subtil du film : comment donner à comprendre la vérité aux spectateurs, alors que les images, les films, les reconstitutions ne pourront être que partiels? Comment ne pas passer à côté de l’essentiel, comment restituer plus que la surface des choses, comment ne pas trahir, comment ne pas dénaturer la réalité?
Maïwenn choisit, on l’a dit, de tout dire, de tout montrer. On reste pourtant sceptique. On voit trop les intentions de la cinéaste, on voit trop Maïwenn, pour arriver à vraiment croire à ces histoires sordides. Polisse est une compilation quasi-documentaire qui rappelle la série télé dans son enchaînement d’affaires toujours suivies par les mêmes flics-héros. C’est souvent captivant et ça laisse pourtant une légère sensation de vide, comme si rien n’avait été vraiment traité.
La dernière séquence renforce encore cette impression que la réalisatrice veut trop en faire. Polisse est un film long, surchargé, qui aurait gagné à être moins intuitif.
Note : 5/10
Polisse
Un film de Maïwenn avec Karin Viard, Joey Starr, Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Maïwenn, Karole Rocher, Emmanuelle Bercot, Frédéric Pierrot, Naidra Ayadi et Jérémie Elkaïm
Drame – France – 2h07 – Sorti le 19 octobre 2011
Prix du Jury au Festival de Cannes 2011
Publié le 25 octobre 2011, dans Films sortis en 2011, et tagué Cannes 2011, drame, Joey Starr, Karin Viard, Maïwenn, Marina Foïs. Bookmarquez ce permalien. 11 Commentaires.
J’adhère sur le narcissisme de Maïwenn (elle y est vraiment insupportable…) mais pas sur le rapport de ceci avec le film. La mise en abîme d’elle-même (à tort), oui. Mais cette surcharge ne me semble pas altérer autant le message du film. La réalité de la BPM, ne serait-ce justement pas l’énumération des cas ? Ils reçoivent et traitent les cas qui leur arrivent, comme ils viennent.
Je ne sais pas si la réalité de la BPM, c’est l’énumération si systématique des cas les plus glauques, mais je pense que traiter le film de cette manière rend difficile toute possibilité de point de vue et atténue la portée de chaque drame. J’ai quand même eu l’impression désagréable que Maïwenn faisait une compilation des histoires les plus dramatiques qui existaient pour toutes les mettre dans un même film, une sorte de best of du pire en quelque sorte.
Et même si c’était comme ça que ça se passait, énumérer simplement comme elle le fait diminue l’impact et l’intérêt du film à mon avis. Elle aurait pu continuer son énumération encore 1 ou 2h, ou arrêter 30 minutes plus tôt, finalement, ça semble avoir peu d’importance…
Oui la « réalisatrice » veut trop en faire. Elle a envie qu’on lui voue un culte. Apparemment c’est réussi vu la côte qu’elle a dans la presse et sur la blogosphère. Heureusement des critiques plus nuancées comme la tienne, celle de Mymp ou encore Ben, montrent que tout n’est pas parfait, loin de là dans ce pseudo docu-fiction brouillon et surfait. Il y a de belles intentions et qualités, mais aussi de grossiers défauts.
Bonne continuation Ted
Merci Wilyrah 🙂 Effectivement, totalement d’accord avec ta critique, Polisse ressemble bien à la dissertation mal construite d’une adolescente douée et nombriliste…
Bonjour je n’ai vraiment pas compris la dernière scène … pourriez vous m’éclairer s’il vous plait ?
jerem@futurstation.net (pour ne pas spoiler le film ^^)
Merci d’avance
Je n’ai pas bien saisi non plus…. POurriez-vous m’éclairer aussi ? marmotte4970@msn.com
Merci
Vous êtes un peu dur je trouve. Moi ce film m’a vraiment bluffée, je suis tombée dedans et je n’en suis plus sortie et bizzarement j’en ai retiré à la fin un sentiment de liberté.
Je n’ai pas trouvé la présence de Maïwenn gênante, elle est présente comme les autres et comme c’est le seul personnage extérieur au groupe et la photographe en plus c’est sûr qu’on va avoir son point de vue.
Par contre je suis d’accord sur la scène entre Foïs et Viard qui était vraiment très forte.
Jérémy, Catherine, je vous écris en perso.
Mchan : au-delà de la présence de Maïwenn, c’est sa manière de parler d’elle, de ne pas savoir s’effacer derrière son sujet, qui gêne. Elle ne peut s’empêcher de montrer sa famille, de se créer des scènes d’amour inutiles avec son amoureux, etc… Le film est rempli de petits morceaux inutiles et nombrilistes. Mais je suis d’accord avec toi pour dire qu’on entre bien dans le film et que beaucoup de séquences sont intéressantes.
Bien d’accord avec votre critique, la réalisation est un peu trop naïve, la fin est râtée. En revanche sur le fond, le film est immanquable. Au final on est en face d’un premier film encourageant.
J’ai trouvé ce film intéressant et prenant, après oui je suis d’accord sur le fait qu’on voit trop Maiwenn mais bon, sa n’enleve pas les performances d’acteurs de Joey Starr et Karin Viard, et d’un rythme infernal entre les affaires sordides et le peu de temps libre qu’ils ont pour eux derrière, sa reste une bonne surprise pour moi
Mon avis : http://www.youtube.com/watch?v=HC7XGk0ugY8
On reconnait sans mal cette pâte de Maïwenn à faire des films intuitifs et émotifs avant de chercher quelques prétentions techniques ou moralisatrices. J’ai néanmoins du mal à comprendre ce qui dérange tant certaines personnes, dans le fait que Maïwenn soit aussi impliquée dans ses films ; autant à la réalisation que dans son rôle d’actrice. Je trouve cela réducteur de parler de narcissisme, d’autant plus qu’elle se donne toujours le mauvais rôle… J’y vois plus un engagement personnel remarquable qui donne finalement son caractère à cette nouvelle réalisatrice