Michael Kohlhaas
Sortie avant-hier du film d’Arnaud des Pallières, vu au Festival de Cannes. Si on regrette une mise en scène extrêmement sévère et rugueuse, presque assommante, on finit par se passionner pour les dilemmes philosophiques exigeants et essentiels que pose le film. Mads Mikkelsen est fascinant, il touche la grâce dans un dernier plan extraordinaire.
Synopsis : Au XVIème siècle, le marchand Michael Kohlhaas mène une vie prospère. Victime d’une injustice, cet homme pieux et intègre met le pays à feu et à sang pour rétablir son droit.
Certes il y a dans la réalisation d’Arnaud des Pallières une extrême rigueur qui fait écho à la décision, toute aussi rigoureuse, de Michael Kohlhaas, de lutter pour ce qu’il estime être la justice. Mais à force d’austérité, le film se fait malgré lui la caricature d’un cinéma d’auteur lent et ennuyeux.
Les séquences sont terriblement longues, le son arrive souvent bien avant l’image, de sorte que chaque plan est très largement préparé et qu’on se lasse toujours très vite. Pourtant, après 40 minutes difficiles, le film révèle enfin un sujet d’une ampleur gigantesque.
En forme de dissertation philosophique, Michael Kohlhaas pose la question des principes, de la valeur des impératifs catégoriques. La justice vaut-elle qu’on risque de tout y sacrifier, ses proches, soi-même, sa vie? A-t-on le droit de se battre par tous les moyens quand on a raison? Et surtout, est-ce le bon choix? Au contraire, est-il acceptable de se résigner, d’accepter pragmatiquement que justice ne soit pas rendue?
Kohlhaas se bat pour une idée, non pour l’importance du tort qu’on lui a fait. Il n’est pas à deux chevaux près, mais il refuse de voir l’injustice triompher. « Mourir pour ses idées, oui mais de mort lente » chantait Brassens. Michael Kohlhaas, à l’opposé de cette maxime, est prêt à tout pour les principes qui lui paraissent fondamentaux. Son âme, aussi pure que l’acier, accepte de se rendre quand il se trouve être lui-même responsable (malgré lui) de méfaits. Tel Socrate prêt à boire la cigüe, car il est pour lui essentiel de se soumettre à la même justice que les autres.
Les dilemmes éthiques du film sont universels, aussi pertinents au Moyen-Âge qu’aujourd’hui, attachés à la nature même de l’être humain. Attendre une mort certaine, connaître son lieu, son heure et la manière dont elle nous frappera, voilà le pire supplice de l’homme, qu’il ait vécu il y a des siècles ou qu’il vive aujourd’hui. En miroir des principes moraux, il y a l’individu. L’homme, seul face à sa mort, regarde en lui les derniers instants d’existence qui s’égrènent. Le dernier plan du film est un miracle.
Mads Mikkelsen aurait sans aucun doute mérité le prix d’interprétation à Cannes, beaucoup plus que l’année dernière pour La Chasse. Dans ses yeux nous pouvons lire l’âme de son personnage, sa quête d’absolu et d’éthique, son inexprimable détresse devant le destin qui se scelle.
Le film aurait mérité une mise en scène moins aride, moins connotée. En dépit d’une forme très pesante, le récit trouve finalement son point d’équilibre entre l’allégorie métaphysique et le destin d’un être humain. D’abord franchement ennuyeux et fermé, Michael Kohlhaas atteint même des cimes inespérées. Sous la pierre rugueuse se cache un diamant d’humanité brute.
Note : 5/10
Michael Kohlhaas
Un film d’Arnaud des Pallières avec Mads Mikkelsen, Mélusine Mayance, Delphine Chuillot, David Kross, Bruno Ganz, Denis Lavant, Roxane Duran, Sergi Lopez, Amira Casar et Jacques Nolot
Drame – France, Allemagne – 2h02 – Sortie le 14 août 2013
Publié le 13 juin 2013, dans Films sortis en 2013, et tagué Arnaud des Pallières, Cannes 2013, drame, Mads Mikkelsen, Mélusine Mayance. Bookmarquez ce permalien. 8 Commentaires.
J’ai hâte de le découvrir 🙂
🙂
Maintenant que je l’ai découvert (cela fait un mois), je dois dire que je suis davantage conquis que toi.
http://www.lebleudumiroir.fr/?p=5005
Bonne critique mais je vous trouve assez dur sur la notation. Vous relevez tous les enjeux du film et leur importance et la manière dont ils sont amenés vaut à mon sens au moins un 6 ou 7. Je suis d’accord que la mise en scène et l’ambiance sont austères mais en me faisant l’avocat du diable je pourrais défendre celles-ci. Le personnage est protestant, sa foi, sa morale et sa conduite sont donc très stricte et rigide, l’interprétation et la mise en scène collent donc à cela d’où leur austérité. Ce type de film gagne à être vu et rien que pour cela je lui aurais mis une note plus élevée. Merci de votre critique en tout cas.
C’est vrai, le film gagne à être vu. Malheureusement, l’austérité de la mise en scène, certes en accord avec le sujet, m’a profondément ennuyé, et j’ai même eu du mal au début du film à m’accrocher à ses enjeux… D’où là note.
Je n’ai pas du tout apprécié ce film. La photographie en extérieurs est certes somptueuse mais c’est bien le seul avantage. Pour le reste, les gros plans incessants donnent le vertige et la nausée (j’ai dû m’acheter une bouteille de Badoit en sortant), les déclarations sur un ton d’enfant doltoïsé de la gamine et le style anorexique bronzée de la mère manquent de crédibilité. Tout cela sur un fond d’hémoglobine et de visages défiguré. Bref, un côté racoleur qui m’a déplu.
En revanche vous ne dites rien de Basilicate coast to coast,, film très poétique, avec un côté guiraudien, en plus joyeux, un vrai bonheur.
Désolée pour le s manquant de « défigurés ». Ce sont les séquelles ….
Héhé, je n’aurais pas dit que le film était racoleur, bien au contraire, je trouve que le réalisateur suit rigoureusement sa ligne de mise en scène, trop rigoureusement.