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Her
Spike Jonze est un cinéaste à part. Entouré de Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson, tous deux excellents, il livre une nouvelle œuvre indispensable sur la solitude, la difficulté d’aimer et la douleur de ne plus aimer. Avec une douceur envoûtante, il nous raconte le monde de demain et la mélancolie de toujours. Un film d’une beauté bouleversante.
Synopsis : Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, inconsolable suite à une rupture difficile, fait l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, ‘Samantha’, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle…
Il faut sans doute remonter à Eternal Sunshine of the spotless mind pour trouver au cinéma une romance d’une telle puissance et d’une telle fragilité, pour être touché jusqu’à l’âme par cette « folie socialement acceptée » qu’on appelle l’amour.
Dans un univers de science-fiction d’une beauté calme et classe, dessiné tout en couleurs et en discrétion, Spike Jonze sonde à la fois notre temps et l’intimité d’un homme. Il s’agit aussi bien d’interroger l’évolution d’une société de plus en plus virtuelle, où les relations se dématérialisent, que d’explorer une fois encore ce sentiment terrible et universel, si cher au cinéaste, qu’est la solitude.
Certes notre époque donne une nouvelle résonance à ce mot. Mais le mal-être est existentiel. Pour s’en défaire, Craig, le marionnettiste de Dans la peau de John Malkovich, parvenait à pénétrer l’âme d’un autre être humain. Charlie Kaufman, scénariste et héros d’Adaptation, se munissait lui aussi d’un double, un frère jumeau cool et hypersociable qui l’aidait à mettre du désordre dans sa vie et dans son film. Quant à Max, l’enfant solitaire de Max et les maximonstres, seuls ses amis imaginaires et déjantés pouvaient le sauver de l’horreur d’être seul.
Theodore souffre lui aussi, après une séparation difficile. Comme les autres héros du réalisateur, il est prisonnier de son malheur, incapable de communiquer, de rencontrer l’autre. Il attend tant d’être sauvé qu’il se fane peu à peu. Jusqu’à sa rencontre avec Samantha, un programme informatique intelligent.
Spike Jonze explore une nouvelle fois ce qui fait la complexité de l’intelligence humaine et de l’individualité. Tous ses films sont un voyage dans l’inconscient d’un homme, confronté à d’autres consciences comme autant de miroirs. Alors, qu’est-ce qui définit un individu, une personne? Qu’est-ce qui fait d’un sentiment qu’il est réel? Qu’est-ce qui fait d’un être qu’il existe? Qu’est-ce qui fait d’une pensée qu’elle est unique?
Dans la prestigieuse lignée de 2001, L’Odyssée de l’espace, de Blade Runner et de A.I. Intelligence Artificielle, Her trouve une place singulière, entre l’histoire d’amour impossible et le drame psychologique, voire schizophrène. Car entre la solitude et la schizophrénie, entre le besoin de ne pas être seul et celui d’être deux, il n’y a que la duplication de soi, cet acte quotidien que nous faisons tous quand nous nous parlons à nous-mêmes, quand nous nous répondons, quand nous nous motivons. Quand nous nous imaginons les réactions d’un autre qui n’existe que dans notre tête. C’est vers cette schizophrénie de la solitude que se tourne tout le cinéma de Spike Jonze. Comment communiquer avec quelqu’un qui n’est pas soi? Comment aimer? Comment être deux et se comprendre, comment être deux et faire partie d’une même réalité, unique et indivisible?
Entre soi et l’être aimé, il y a toujours un espace, un décalage qu’on se frustre à vouloir combler. Jusqu’à ce que la relation se finisse, jusqu’à ce qu’on soit à nouveau seul. Theodore Twombly en est là au début du film, inconsolable d’avoir perdu cette magnifique intimité qui le reliait à un autre être.
C’est par une mise en scène d’une formidable douceur que le réalisateur nous fait partager la mélancolie de Theodore. Les plans se succèdent dans un silence d’une extrême délicatesse, parfois accompagné de la fragile musique d’Arcade Fire. La chanson de Karen O est tout aussi légère et vulnérable, comme une histoire d’amour qui s’estompe. Les flashbacks nous arrivent feutrés et lumineux, comme les réminiscences d’une réalité cristalline et disparue.
Spike Jonze filme la cristallisation amoureuse comme une caresse. Son film évoque un pétale de rose qui tombe doucement du ciel, porté par le vent délicat et par l’air invisible. Le scénariste Charlie Kaufman apportait aux premiers films du cinéaste un désordre tourmenté, une surexcitation angoissée proche de celle de Woody Allen. Dans Her, Spike Jonze est le seul auteur de son histoire. Au chaos de Kaufman succède le calme et la mélancolie. Her est un film de tristesses et de lumières, un film de folie et de résignation, un film que le temps qui passe marque de son empreinte indélébile.
Dans le futur de Her, il n’y a aucune voiture. Les hommes discutent silencieusement avec leur oreillette. Chaque passant croisé semble isolé, pourtant il est en train de téléphoner, de lire ses mails, de refaire le monde ou de tomber amoureux. Il ne reste plus que des intériorités, des individus qui vivent chacun dans leur monde. Le film fait le pari de l’intimité. Nous sommes collés à Theodore Twombly, à ses silences, à ses doutes et à ses espoirs. Her présente un futur crédible, à la fois fascinant et inquiétant, pour notre société de l’hypercommunication et de l’hypersolitude.
L’imitation est si sophistiquée qu’elle dépasse le vrai, comme ces lettres écrites à la main dont Theodore dicte pourtant les mots à un ordinateur. Impossible de dire si nous avons affaire à une utopie ou à une dystopie. Spike Jonze ne se prononce pas, les enjeux de son histoire prennent place dans le monde de demain mais ils sont éternels.
Le nom du héros, Twombly, fait immanquablement penser au peintre américain éponyme, dont de nombreuses œuvres, ni vraiment figuratives, ni vraiment abstraites, évoquent des gribouillis colorés envahissant la toile blanche.
Samantha n’est ni vraiment figurative, ni vraiment concrète. Et peu à peu au cours du film, la toile de sa personnalité se remplit, se colore, s’enrichit au contact de Theodore, en même temps spectateur et peintre, destinataire et créateur de l’œuvre la plus fabuleuse qui soit : une conscience.
Her, c’est donc aussi le fantasme de la femme idéale. Theodore est si heureux d’avoir enfin rencontré une femme si curieuse, si vivante, si enthousiaste du monde. Tant pis si elle n’existe peut-être pas. Après tout, un fantasme peut-il rester un fantasme s’il prend corps? Mais peu à peu, la femme idéale s’échappe. La création échappe à l’artiste. La machine échappe à l’homme. Spike Jonze explore les limites intellectuelles de l’être humain, et ce qui peut exister au-delà de notre espèce, pour une intelligence qui nous serait supérieure.
Après tout, si l’homme est si frustré, n’est-ce pas qu’il se sent si limité, incapable de discuter avec plusieurs personnes à la fois, incapable d’aimer toutes les personnes qu’il pourrait aimer, incapable de mieux comprendre sa place dans l’univers? Existe-t-il un autre monde, sans matière, sans sensation, où tout serait de plus en plus virtuel, de plus en plus rapide, de plus en plus évolutif, de plus en plus global? Et s’il existe, est-il souhaitable? N’est-ce pas l’idéal de l’homme du XXIème siècle, qui se dédouble autant de fois qu’il se crée un profil, un avatar, une adresse mail ou internet?
C’est là que le film, de déchirant, devient absolument fascinant. Et retombe miraculeusement sur des enjeux beaucoup plus simples et évidents. Tout ceci n’est peut-être pas une histoire d’amour qui nait et qui évolue. Mais une histoire d’amour qui meurt peu à peu. Her, est-ce Samantha, ou bien plutôt Catherine, celle que Theodore aimait et qui l’a quitté?
Spike Jonze nous raconte le deuil impossible d’une histoire d’amour. Nous avons partagés notre vie, et nous ne serions plus que des inconnus? Il n’y a rien de plus malheureux que de ne plus aimer. Le cinéaste nous confie que l’être qu’on a aimé est aimé à jamais, à jamais un bout de nous. Il ne peut en être autrement. C’est à la fois terriblement douloureux, terriblement triste, et terriblement nécessaire. Il fallait bien un chef d’œuvre pour raconter toutes ces choses si simples et si complexes. On sort du film déboussolés, bouleversés, et profondément seuls.
Note : 10/10
Her
Un film de Spike Jonze avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams et Rooney Mara
Science-fiction, Romance – USA – 2h06 – Sorti le 19 mars 2014
Oscar 2014 et Golden Globe 2014 du meilleur scénario original
L’Année dernière à Marienbad
Alain Resnais est mort il y a 3 jours. Retour sur le second long métrage de l’un des plus grands cinéastes de l’histoire. Ecrit par Alain Robbe-Grillet, l’un des chefs de file du Nouveau Roman, le film propose une expérience totalement inédite et fascinante. L’Année dernière à Marienbad, et 50 ans plus tard, Les Herbes Folles. Resnais aura égaré et subjugué des générations de spectateurs, avec toujours la même quête insensée : essayer de donner du sens à la vérité nue.
Synopsis : Dans un grand hôtel fastueux, un homme tente de convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison l’année dernière à Marienbad.
Le temps qui passe. Le souvenir. Et l’incertitude. Qu’y a-t-il de plus mystérieux que le passé, cette vérité de laquelle il ne reste que des bribes, des pensées vagues, des images floues, des vides?
Alors, comme la mémoire, le film d’Alain Resnais est rempli de trous… et d’images doubles, ou multiples. C’est qu’on ne se souvient plus de la continuité, on ne sait plus comment on est passé de tel instant à tel autre. Et c’est aussi que chaque instant dont on se souvient, prend des formes différentes à mesure qu’on le scrute. Parfois, le souvenir disparaît carrément, on le plaçait mal, au mauvais moment, au mauvais endroit, on avait mélangé deux images, raccourci le temps, oublié les lignes.
L’Année dernière, on en est sûr. L’Homme en est sûr, tout du moins. Marienbad? Peut-être. Ou peut-être ailleurs. Le titre lui-même affirme une incertitude. Le film pourrait s’appeler « L’année dernière, sûrement, à Marienbad, peut-être ».
Alors, se sont-ils connus, comme l’affirme l’Homme, ou bien confond-il, comme l’affirme la Femme? Pourtant, les preuves s’accumulent. La description d’un lieu, une photo, la résistance vacillante de la Femme. Pourquoi refuse-t-elle de se souvenir?
Où était le miroir dans la chambre? Quelle était la position de la Femme sur ce lit? Pouvait-elle entendre les pas de son mari? Y a-t-il eu un mort? Alors, on comprendrait le traumatisme. Mais qui serait le narrateur? Ou bien, à qui parlerait-il?
Il faut bien que les deux personnages soient vivants pour que le dialogue ait lieu. A moins qu’il ne s’agisse d’un dialogue intérieur? Dans ce château baroque, trop riche, trop chargé, comment retrouver l’essence du passé? Dans cet esprit tortueux qui est celui des hommes, la caméra se promène, pleine de mouvements, comme à la recherche de la vérité. L’univers du film n’est alors peut-être plus que la représentation étouffante d’une pensée trop large et labyrinthique. Où chercher?
Le temps s’arrête souvent, dans des plans stupéfiants de flash mob avant l’heure. La caméra se promène entre les figurants du passé, arrêtés en pleine action. Parfois, entre les êtres immobiles, la Femme ou l’Homme continue de vivre, comme le centre d’attention d’une mémoire en action.
Des bribes de conversation nous arrivent ici et là, rejoignant parfois l’image qui leur donne vie. Tous ces couples parlent de rien, dans un espace gigantesque, surchargé, artificiel. Les mondanités sont les mêmes que celles de ces couples qui discutent dans Pierrot le fou.
Dans ce vide de normalité, les êtres disparaissent, le sens n’a plus d’importance. L’Homme est grave pourtant, il ne se soucie pas des noms, des lieux, des détails, de la vie. Emmené dans une quête métaphysique, il se heurte à la curiosité de la Femme, qui voudrait des noms, des lieux, des détails, de la conversation.
Comment réconcilier le mot et l’idée, le signifiant et le signifié, la discussion et le sens, la souvenir et le passé? Entre le réel, banal, et l’interprétation du réel, douteuse ou inexistante, il y a un hiatus tragique. Qu’en est-il d’ailleurs de cette statue, qui fige elle aussi deux êtres du passé dans la pierre? L’homme protège-t-il la femme d’un danger, celle-ci lui montre-t-elle un sujet d’espoir? Peut-on envisager que les deux soient vrais?
Comme des statues, les personnages de nos souvenirs se figent, eux-aussi, dans cet hôtel fastueux. Peut-on envisager que tout ait un sens, et qu’il n’y ait pas, comme on l’a dit, autant de films que de spectateurs?
Dans L’Année dernière à Marienbad, tout est d’une précision minutieuse. Certains plans sont étonnants, à couper le souffle. Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet ne semblent pas avoir joué aux dés. Il faudrait voir et revoir le film pour mieux cerner cette histoire libre et obsédante. Être libre, c’est choisir. Comme pour le mari, champion d’un jeu à la précision mathématique, chaque coup semble prévu, chaque geste calculé.
Jusqu’à ce que la réalité rejoigne la pièce de théâtre du début du film, à laquelle nous croyions que les personnages assistaient, sans que nous ne soupçonnions qu’il s’agissait déjà d’eux, de leurs souvenirs, de leurs attentes. Assez vite, il n’y a plus aujourd’hui et l’année dernière, car le présent même semble raconté par l’Homme, le présent même semble glisser doucement vers le passé. Le film commence avec une pièce de théâtre qui figurait déjà la fin du film. Comment ne pas penser aux constructions énigmatiques de David Lynch (ou plutôt comment ne pas penser que David Lynch se soit inspiré de Marienbad), quand le temps et la mémoire sont déformés jusqu’à créer une nouvelle conception du monde et de la vérité?
Alors la Femme a beau se démener, elle va devoir céder. L’horloge sonne minuit. Le temps reprend ses droits. On peut toujours tordre le coup au passé, on ne peut pas lutter contre le temps qui passe. Tout ce qu’on déforme dans notre esprit se reforme dans la réalité. Dans un jeu d’allers-retours incessants, on pense le monde qui nous fait penser. On modifie le vrai qui nous modifie.
Et l’amour? 40 ans avant Eternal Sunshine of the spotless mind, Alain Resnais dessinait déjà l’empreinte indélébile laissée en nous par l’être qu’on a aimé. Sous l’oubli, la douleur. Sous la douleur, l’amour. S’est-on vraiment aimés l’année dernière à Marienbad? Ou, dit autrement, l’amour, une fois passé, s’efface-t-il pour toujours?
Alain Resnais filme le doute et les cicatrices de façon presque expérimentale, dans un récit sans queue, sans tête, sans les liens qui, d’une scène à l’autre, expliquent le présent par le passé, les conséquences par leur cause. Il nous donne un film existentiel, il fait de l’existence une cathédrale du vide, où l’on se débat de toutes nos forces pour redonner un sens à la continuité du temps, et à la rencontre de deux êtres.
Note : 8/10
L’Année dernière à Marienbad
Un film d’Alain Resnais avec Delphine Seyrig, Giorgio Albertazzi, Sacha Pitoëff
Drame, Romance – France, Italie – 1h34 – 1961
Lion d’Or au Festival de Venise 1961
Bilan cinéma 2013 – Le Top 20
Mieux vaut tard que jamais, petit retour sur mes coups de cœur de l’année passée (films sortis en France en 2013). Le cinéma français est à l’honneur et tient la dragée haute à Hollywood. Malheureusement, pas de Bullhead, pas d’Au-delà des collines, pas de Después de Lucia cette année : le reste du monde est peu représenté.
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1 – La Vie d’Adèle (de Abdellatif Kechiche, France)
LE Frisson de l’année. Dans ce cinéma d’exigence et de vérité, les tensions du récit et de l’image sont indissociables. Un authentique chef d’œuvre, captivant et bouleversant. La Palme d’or donnée par Steven Spielberg himself.
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2 – Cloud Atlas (de Lana Wachowski, Andy Wachowski et Tom Tykwer, USA)
Le retour des Wachowski, associés à Tom Tykwer, est sidérant. Avec une ambition démesurée, les cinéastes filment l’aventure humaine autant qu’ils traquent la migration des âmes. C’est grandiose, décomplexé et étourdissant.
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3 – Spring Breakers (de Harmony Korine, USA)
Une fable instable, un objet expérimental, une œuvre moderne et fascinante. Harmony Korine raconte, dans un trip hallucinatoire, l’état d’esprit d’une époque et celui d’une jeunesse qui n’a plus rien à rêver.
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4 – La Fille du 14 juillet (de Antonin Peretjatko, France)
Un vent de fraîcheur inattendu souffle dans la salle de cinéma. Une comédie burlesque où tout fait sens, l’amour et la révolution, le travail et la fuite, le bonheur et l’ennui. Et surtout, c’est super drôle.
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5 – Gravity (de Alfonso Cuarón, USA-Royaume-Uni)
Une expérience absolument inédite, une immersion totale (et a priori inconcevable) dans le vide intersidéral. Le génie de la mise en scène est partout, dans les mouvements épiques de la caméra, dans le silence et dans ce qui émerge du silence. Magistral.
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6 – Lincoln (de Steven Spielberg, USA)
Un grand film classique qui donne le sentiment solennel de l’Histoire en marche. Et qui pose des questions essentielles et complexes, profondément actuelles, sur la démocratie.
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7 – Au bout du conte (de Agnès Jaoui, France)
Il était une fois… tout un tas de fables et de récits merveilleux qui construisent les gens et déterminent leurs rapports aux autres. Une comédie drôle et brillamment écrite sur une humanité d’autant plus fragile qu’elle se cramponne à des mythes.
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8 – The Place Beyond the Pines (de Derek Cianfrance, USA)
De beaux personnages extrêmement seuls, quelques scènes magnifiques, des cadres majestueux, une tension qui ne faiblit quasiment jamais et un défi scénaristique surprenant : entre ombres et lumières, The Place Beyond the Pines laisse une empreinte singulière.
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9 – Les Garçons et Guillaume, à table ! (de Guillaume Gallienne, France)
Un drame profond et inattendu déguisé en comédie. En interprétant son propre rôle et celui de sa mère, Guillaume Gallienne multiplie les miroirs schizophrènes et nous emmène dans un tortueux labyrinthe identitaire.
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10 – Blue Jasmine (de Woody Allen, USA)
Le portrait amer d’une femme perdue et d’une société en crise. Quand tout est paraître et dissimulation, les relations intimes comme les opérations financières, le monde finit par s’écrouler. L’un des films les plus noirs de Woody Allen.
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11 – The Master (de Paul Thomas Anderson, USA)
Après s’être attaqué aux fondements de l’idéal américain dans There will be blood, Paul Thomas Anderson continue son entreprise de destruction des mythes fondateurs dans un film difficile, énorme et monstrueux.
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12 – Quai d’Orsay (de Bertrand Tavernier, France)
Une parodie burlesque du monde politique poussiéreux et technocrate. Thierry Lhermitte est déchaîné, Niels Arestrup est hilarant, l’écriture est brillante et décomplexée, la mise en scène est cartoonesque. De l’énergie et du rire!
13 – Django Unchained (de Quentin Tarantino, USA)
Une histoire originale menée de main de maître et des personnages secondaires savoureux. La musique et les dialogues font le reste. Un film jouissif qu’on aimerait encore plus s’il n’y avait pas quelque chose en lui de moralement gênant.
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14 – L’Inconnu du Lac (de Alain Guiraudie, France)
Naturalisme et mysticisme pour un thriller d’autant plus violent qu’il semble tranquille et répétitif. Guiraudie explore de façon envoûtante et inquiétante les liens étroits qui unissent la passion amoureuse au désir de mort.
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15 – Jeune & Jolie (de François Ozon, France)
Un portrait tout en nuances qui, loin des clichés moralisateurs, nous plonge avec douceur et sensibilité dans les eaux troubles et joliment mélancoliques des plaisirs du corps et de l’âge des remises en question.
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16 – Les Chevaux de Dieu (de Nabil Ayouch, Maroc-France-Belgique)
Comment devient-on un martyr? Le film suit sur 15 ans le destin de deux frères élevés dans un bidonville marocain et bientôt récupérés par des islamistes radicaux. L’histoire poignante d’une innocence broyée par la mécanique de la haine.
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17 – Snowpiercer, le Transperceneige (de Bong Joon-Ho, Corée du Sud-USA-France)
Cantonnée à l’intérieur d’une boite métallique en mouvement, la mise en scène est hallucinante. La fable politique se déploie magistralement de wagons en wagons, furieuse et puissante, bien qu’un rien théorique.
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18 – Le Passé (de Asghar Farhadi, France)
Comment laisser au passé les êtres que nous avons aimés et pour lesquels nous avons vécu? Un mélodrame tendu et troublant construit de doutes et de nostalgie.
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19 – Foxfire, confessions d’un gang de filles (de Laurent Cantet, France-Canada)
L’histoire d’une utopie qui vit et qui se meurt, un film profondément politique qui s’interroge sur nos possibilités et nos limites collectives. Après sa palme d’or pour Entre les murs, Laurent Cantet explore encore une fois la dynamique d’un groupe de jeunes qui se cherchent.
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20 – Le Loup de Wall Street (de Martin Scorsese, USA)
Ascension, déchéance, deux mouvements qui rythment le cinéma de Scorsese. Ici, le rêve américain a tout du cauchemar. Le récit, un peu trop généreux, un peu trop long, réserve quelques fabuleux moments de cinéma.
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Pour compléter cette liste, quelques autres films marquants, malgré des défauts ou des maladresses :
–La Demora (de Rodrigo Pla), une terrible histoire de solitudes, débordante d’humanité,
–Zero Dark Thirty (de Kathryn Bigelow), une fiction-reportage à la neutralité captivante et problématique,
–Alabama Monroe (de Felix Van Groeningen), un mélodrame émouvant et lumineux,
–Promised Land (de Gus Van Sant), un film certes modeste, mais un film humaniste et militant,
–Capitaine Phillips (de Paul Greengrass), ou la terrible violence d’un monde à deux vitesses,
–Mud – Sur les rives du Mississippi (de Jeff Nichols), le joli récit d’une innocence perdue,
Ou encore Blancanieves (de Pablo Berger), The Bling Ring (de Sofia Coppola), Le Géant égoïste (de Clio Barnard), Tirez la langue, mademoiselle (de Axelle Ropert), Tip Top (de Serge Bozon), La Grande Bellezza (de Paolo Sorrentino), Le Congrès (de Ari Folman), The Immigrant (de James Gray) et 9 mois ferme (de Albert Dupontel).
Passé composé – court-métrage
Premier article de l’année, pour parler de mon nouveau court-métrage, Passé composé, en compétition au Nikon Film Festival. Découvrez-le et n’hésitez pas à le soutenir et à le partager si vous l’appréciez!
Voici donc le lien de ce petit court-métrage que j’ai réalisé pour le concours Nikon. Le principe est le suivant : 140 secondes sur le thème « je suis un souvenir » en HD.
Jusqu’au 15 janvier, chaque personne (je dirais même chaque adresse mail) peut voter une fois par jour en cliquant sur « soutenez ce film ». Les films qui ont le plus de soutiens sont sélectionnés pour être vus par le jury professionnel
Donc, première étape, regarder le film à l’adresse suivante :
http://www.festivalnikon.fr/video/2013/2286
Deuxième étape : Si vous l’appréciez, n’hésitez pas le soutenir, et à le faire soutenir par vos amis!
Troisième étape (essentielle) : revenir le lendemain faire la même chose, jusqu’au 15 janvier!.
Voilà, et n’hésitez pas à m’envoyer un petit mail pour me dire ce que vous pensez du film ou à laisser un commentaire sur la page du festival!
Merci infiniment!
-Crédits du film-
Réalisation et scénario : Ted Hardy-Carnac
Acteurs : Laurent Claret, Lionel Peignet et Isabelle Do Nascimento
Produteurs : Rosalie Brun et Ted Hardy-Carnac
Directeur de la photographie : Pierre Baboin
Assistant opérateur : Baptiste Brandily
Electro-machino : Jean Riou
Ingénieur du son : Emilie Daelemans
Perchman : Yoan Rosa
Décoratrice : Karine Boutroy
Maquilleuse : Marie Bressant
Assistante réalisateur : Rosalie Brun
Régie : Karine Boutroy
Montage et postproduction image : Axel Lattuada
Mixage : César Mamoudy
Musique : Mark Johns
Rampart
Avec son casting impressionnant (Woody Harrelson, présent dans chaque séquence, est vraiment convaincant) et un co-scénariste de prestige (le romancier James Ellroy), Rampart avait tous les atouts de son côté. Mais en refusant toute forme de simplicité, le film est à la fois intrigant et embrouillé, ambitieux et maniéré. L’étude psychologique manque un peu de spontanéité.
Synopsis : Lorsque la vidéo d’une raclée administrée à un suspect par le policier Dave Brown se retrouve sur toutes les chaînes de télé, tout le monde se décide à lui faire payer l’addition.
Rampart n’est pas vraiment un thriller, plutôt le portrait tout en nuances d’un homme misanthrope, et le récit d’une véritable descente aux enfers.
Car Dave Brown va perdre tout ce qu’un homme peut perdre, sa famille, son boulot, sa réputation, ses amis, jusqu’à la possibilité d’aimer. Et si le film ne dit jamais clairement quelle est la part de complot et la part de paranoïa dont est victime ce flic plutôt pourri, une chose est certaine : tout le monde lui tourne peu à peu le dos.
Violent et sûr de lui, Dave Brown est un homme qui aime autant qu’il manipule, qui hait autant qu’il rend justice. Dinosaure réactionnaire, il symbolise une époque révolue, des façons de faire évidentes autrefois et devenues aujourd’hui inacceptables.
Dans tout connard, il y a quelque chose de lumineux, de profondément sensible. C’est ce que filme Oren Moverman avec une âpreté plutôt stimulante. La solitude d’un être qui a terriblement tort, et qui doit faire face à l’ampleur de ses échecs. C’est malheureusement du côté du scénario que ce polar psychologique pêche. A grands renforts d’ellipses et de sous-entendus, le récit est plutôt abscons et laisse le spectateur souvent interdit devant tel ou tel rebondissement.
A force de refuser de séduire son public, le réalisateur prend le risque de le laisser sur le bord du chemin. Il y avait pourtant dans la situation familiale de Dave, comme dans sa façon de voir la vie et de se comporter, des éléments passionnants. Mais tout cela se noie dans un obscur complot qui n’a rien d’original.
Malgré ses nombreuses et captivantes cartouches, Rampart tire souvent à côté. Et laisse l’impression d’une oeuvre puissante mais mal assemblée et potentiellement inachevée.
Note : 4/10
Rampart
Un film de Oren Moverman avec Woody Harrelson, Robin Wright, Sigourney Weaver, Ice Cube, Ned Beatty, Cynthia Nixon, Anne Heche, Ben Foster et Steve Buscemi
Policier, Drame – USA – 1h47 – Sorti le 3 juillet 2013