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Les films sortis en France en 2011

Des vents contraires

Un mélo tout ce qu’il y a de plus mélo, où chacun lutte comme il peut avec toutes les épreuves tragiques que la vie met devant lui. Une accumulation de personnages mal dessinés, une émotion toute artificielle, des acteurs tristes mais pas convaincants. Deux petites scènes sauvent le film de l’échec total.

Synopsis : La vie de Paul bascule le jour où sa femme Sarah disparait subitement. Après une année de recherches infructueuses, Paul est un homme brisé…

Des vents contraires - critiqueUn matin, Paul se dispute avec sa femme. Le soir, elle ne rentre pas. Un an plus tard, et alors qu’il n’a plus jamais eu de nouvelles de celle qu’il aime, Paul, perdu avec ses deux enfants, retourne dans sa Bretagne natale, auprès d’une famille avec laquelle il a coupé les ponts depuis longtemps. Y a-t-il beaucoup plus à dire sur ce film que ce point de départ d’une intrigue simpliste?

Des vents contraires joue sur le désespoir de Benoît Magimel, sur l’isolement de deux enfants que leur père n’arrive pas à aider, sur des rapports familiaux faits de rancunes, de remords et de non-dits. Tout est réuni pour faire pleurer dans les chaumières mais le mélo est si convenu qu’il ne se suffit pas à lui-même : on nous a rajouté ici et là des sous-intrigues inutiles, des rencontres imprécises, des personnages à peine esquissés. Des vents contraires se veut alors un dur parcours initiatique : Paul devra lutter contre les éléments, comme l’indique pompeusement le titre du film.

Au programme, une jeune femme qui tombe bien artificiellement amoureuse de son professeur de conduite, une policière bienveillante et agaçante tant son personnage est mou et caricatural, une vieille dame qui apparaît dans des scènes absolument inutiles et ennuyeuses, un Bouli Lanners qui fait triple-emploi avec les deux personnages précédents, dans le rôle du type brave et simple que la vie n’a pas ménagé. Seul Ramzy Bedia tire son épingle du jeu dans une petite histoire plantée au milieu du film, sans aucun rapport avec lui, et qui aurait pu faire l’objet d’un intéressant court métrage sur l’adage : « l’enfer est pavé de bonnes intentions. »

Quant aux rôles principaux, le gamin joue tellement mal la tristesse et la colère qu’on a souvent l’impression qu’il va finir par poignarder sa famille et que le film va tourner à l’épouvante. Pas de commentaire sur la figure pathétique du gentil con interprété par Antoine Duléry. Il reste Benoît Magimel qui traverse ce film de rien sans arriver à peser dessus, une marionnette de tristesse péniblement articulée par… des vents contraires.

C’est à la fin du film qu’on trouve enfin une scène réussie, lorsque Paul revient de Paris et retrouve ses enfants. Au loin, les corps se débattent, les attitudes parlent enfin au-delà des évidences. Le mélo prend de l’ampleur pour la première fois. Mais le film est déjà fini. Et on en garde bien peu de choses.

Note : 2/10

Des vents contraires
Un film de Jalil Lespert avec Benoît Magimel, Isabelle Carré, Antoine Duléry, Ramzy Bedia, Bouli Lanners, Marie-Ange Casta, Lubna Azabal, Aurore Clément, Hugo Fernandes, Cassiopée Mayance, Audrey Tautou, Daniel Duval
Drame – France – 1h31 – Sorti le 14 décembre 2011

Mission : Impossible – Protocole fantôme

Ici, les scènes d’action les plus vertigineuses s’enchaînent sans laisser de répit au spectateur. Problème : le scénario, aux forts relents de Guerre Froide, ne nous emmène jamais qu’en territoire archi-connu. Un film rempli de cascades et d’adrénaline, mais sans caractère.

Synopsis : Impliquée dans l’attentat terroriste du Kremlin, l’agence Mission Impossible est totalement discréditée. Ethan Hunt, isolé, doit trouver le moyen de blanchir l’agence.

Mission : Impossible - Protocole fantôme - critiqueCe n’est pas par son scénario que Mission impossible 4 fera vibrer le spectateur. Les figures imposées s’enchaînent, les agents secrets nous protègent d’une menace atomique orchestrée par un fou qui pense que la guerre nucléaire permettra un renouveau bénéfique à l’humanité (non, ne vous amusez pas à compter le nombre de films d’espionnage avec ce pitch-là, cela peut se révéler interminable).

Il y a bien un petit moment récurrent qui nous fait vibrer à chaque épisode de la franchise : l’utilisation de masques pour se faire passer pour telle ou telle autre personne. Ici, petite variation sur ce thème de l’usurpation d’identité avec une petite scène bien sentie qui se déroule simultanément dans deux appartements adjacents d’un hôtel. Assez Jouissif.

Au-delà de ça, l’histoire est à mourir d’ennui, mais l’action est omniprésente et certaines séquences sont à couper le souffle. Si la destruction du Kremlin au début du film est impressionnante mais un peu mécanique, d’autres séquences sont vraiment saisissantes, lorsque Ethan fuit de l’hôpital, lorsqu’il course un bandit dans une tempête de sable étouffante ou lorsqu’il exécute les cascades les plus improbables dans une usine de fabrication de voitures.

Le clou du spectacle se passe sur la tour Burj Khalifa de Dubaï, la plus haute du monde, quand Tom Cruise se transforme en homme-araignée dans une scène parfaitement rythmée où l’action, la tension et l’humour sont particulièrement bien dosés.

Du pur entertainment, plutôt de qualité, mais même si cet opus est sans doute le plus enthousiasmant de la série, on reste sceptique devant les lourdeurs et la répétitivité d’une histoire faite de poncifs et de retournements toujours attendus. Mission : Impressionnante – Scénario fantôme.

Note : 4/10

Mission : Impossible – Protocole fantôme (titre original : Mission: Impossible – Ghost Protocol)
Un film de Brad Bird avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg et Paula Patton
Action, Thriller – USA – 2h13 – Sorti le 14 décembre 2011

Shame

Après Hunger, un premier film remarquable, formellement ahurissant et fondamentalement marquant, Steve McQueen revient avec Shame, avec toujours Michael Fassbender dans le rôle principal. Si le réalisateur n’a rien perdu de son sens esthétique, son second film, parfois envoutant, manque finalement de finesse sur le fond. Hypnotisant et décevant.

Synopsis : Brandon vit seul et travaille beaucoup. Sa seule passion : le sexe. Quand sa sœur Sissy s’installe dans son appartement, Brandon a de plus en plus de mal à dissimuler sa vraie vie…

Shame - critiquePas étonnant que Shame soit une petite merveille visuelle, la description métallique d’un monde hostile, le portrait presque clinique d’un homme extérieur à lui-même. Steve McQueen vient de l’art contemporain et la premier choc procuré par ses films est forcément plastique.

Depuis l’appartement de Brandon, trop propre trop vide, jusqu’à l’univers feutré de son bureau, depuis les bars glaciaux qu’il fréquente le soir avec ses « amis-collègues » jusqu’aux rues fantomatiques dans lesquelles il se livre à ses pulsions, tout est étranger, tout est autre, tout est agressif. Le New York de McQueen n’est pas franchement menaçant, il est pire que ça, froidement indifférent. Le visage de Michael Fassbender, trop parfait, trop fermé, y participe pleinement : il est l’archétype du citadin de la mégapole, amical, séduisant, absent de soi et du monde.

Pourtant, le tour de force du réalisateur est de nous attacher âme et corps à cet homme dont le seul désir, la seule nécessité, le seul bonheur, est la pure satisfaction sexuelle. Le sexe pour le sexe, et surtout pour rien d’autre. Pas d’amour, pas d’attaches, pas de sentiments. Tout ça ne fait que diminuer l’intensité du plaisir, jusqu’à le tuer complètement. Pour Brandon, la jouissance physique est forcément vicieuse, malsaine, interdite. Elle ne peut se satisfaire de la normalité. Il s’agit avant tout de jouir pour jouir, c’est tout.

D’abord, McQueen ne nous enferme pas dans le jugement. Nous sommes aux côtés de Brandon, nous ressentons son envie, sa frustration, son addiction. Et bien sûr, son isolement. Dans un monde où l’humain n’est plus qu’un outil au travail, une ombre dans la rue, un rival ou une proie dans la vie nocturne, le plaisir pur est tout ce qu’il reste à un homme seul et qui ne se bat plus, qui a pris son parti d’être seul.

Dans cette mécanique existentielle répétitive, les corps ne se lassent pas, seules les âmes se fatiguent. Sissy, la soeur fragile et exubérante de Brandon, est le grain de sable qui vient enrayer l’horlogerie. Dans une des plus belles séquences du film, Brandon fuit son appartement et court dans les rues de New York, comme pour se libérer comme il peut de ses pulsions, de ses démons. Sans aucun doute, il ne lui reste qu’un seul interdit « moral », un seul impératif qui passe au-dessus de son désir, et celui-ci s’est installé chez lui, se colle à lui jusqu’à enflammer cette avidité de sexe qu’il ne sait pas, qu’il ne peut pas contrôler.

Peu à peu pourtant, le film se montre de plus en plus sévère avec Brandon. Son mal-être le condamne et condamne sa manière de vivre, un point de vue presque puritain se lit dans l’explosion de rage et de libertinage à la fin du film. Alors, le sexe à outrance semble entraîner irrémédiablement le dégoût de soi. On regrette l’intransigeance du cinéaste autant que le côté un peu superficiel de son film.

Certes, tout est beau, impeccablement beau, certes le sujet même du film est le vide existentiel, mais Shame est un peu trop rempli de rien pour vraiment dire beaucoup. Le film se vit alors comme une expérience immersive mais fugace. Quand on sort de la salle, on est écrasé par une désagréable lourdeur morale. Sous ce poids, il ne nous reste qu’une impression creuse.

Note : 5/10

Shame
Un film de Steve McQueen avec Michael Fassbender, Carey Mulligan et James Badge Dale
Drame – Royaume-Uni – 1h39 – Sorti le 7 décembre 2011
Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine au Festival de Venise 2011 pour Michael Fassbender

Le Chat Potté

Le Chat Potté est un spin-off de Shrek dont on se serait bien passé. Suite au succès du personnage apparu dans Shrek 2, DreamWorks n’a pas résisté à l’envie d’imaginer la vie passée de ce nouveau héros. Mais l’imagination fait cruellement défaut à ce film qui ressemble à tant d’autres avant lui.

Synopsis : Avant sa rencontre avec Shrek, le Chat Potté essayait de s’emparer de la fameuse Oie aux Œufs d’Or pour sauver la ville où il avait grandi et se racheter.

Le Chat Potté - critiqueLe Chat Potté a finalement bien peu de singularités pour se distinguer du typique justicier hors-la-loi. Son personnage de séducteur au grand coeur et à l’humour ravageur, son histoire entre prestige et trahisons, depuis l’orphelinat jusqu’au rejet fatal de la société, son aventure aux allures de western latin, rien ne démarque réellement ce Zorro félin de tout ce qu’on a déjà vu, revu, rerevu.

Certes, l’univers extravagant se permet des fantaisies amusantes, mais jamais surprenantes quand on a déjà vu les quatre épisodes de Shrek. Depuis la première apparition de son ogre star, Dreamworks n’a jamais réussi à se renouveler. Même le délire est en fait parfaitement calibré.

L’intrigue n’a finalement qu’un seul enjeu : alors cet oeuf, gentil ou méchant? Quelques blagues efficaces mais convenues, quelques péripéties sans intérêt, et nous voici devant un dénouement mou et trivial. Un film de plus. J’ai déjà presque oublié que je l’ai vu.

Note : 1/10

Le Chat Potté (titre original : Puss in Boots)
Un film de Chris Miller avec les voix de Antonio Banderas, Salma Hayek et Zach Galifianakis
Film d’animation – USA – 1h30 – Sorti le 30 novembre 2011

Carnage

Roman Polanski adapte la pièce de Yasmina Reza Le Dieu du Carnage sans lui enlever sa dimension de huis clos théâtral. Le résultat est décevant : la réalisation est précise mais le projet manque cruellement de finesse. L’exercice tourne vite en rond, le spectaculaire l’emporte sur la démonstration et les clichés rendent l’étude de mœurs approximative.

Synopsis : Dans un jardin public, deux enfants de 11 ans se bagarrent et se blessent. Les parents de la « victime » demandent à s’expliquer avec les parents du « coupable »…

Carnage - critiqueD’un côté, un couple bobo plein de suffisance, de l’autre, un ménage riche, traditionnel et sans remord. Deux types de bourgeois se rencontrent, les gauchistes et leur bonne conscience envahissante, les conservateurs et leur pragmatisme amoral.

La nervosité est palpable, le vernis social ne va pas tenir bien longtemps. C’est ce que filme Roman Polanski, le craquèlement progressif du paraître. Les politesses et les bienséances sont vite reléguées au second plan quand chacun se rend compte qu’il est allé trop loin, qu’il s’est trop mis à nu.

En chaque être humain réside un monstre. Caché derrière des codes sociaux plus ou moins rigides, celui-ci peut surgir quand on est poussé à bout. Le carnage est alors inévitable : le décalage trop longtemps imposé entre celui que nous sommes et celui que nous nous efforçons de paraître éclate avec d’autant plus de violence que les frustrations étaient importantes.

Le problème du dernier film de Polanski, c’est que l’évolution des attitudes manque trop souvent de subtilité. D’abord, parce que pour illustrer la perte de contrôle des personnages, le film se complait très vite dans le too much : les rires nerveux sont parfois interminables, les situations pathétiques sont appuyées et répétées d’un personnage à l’autre, les exaspérations sont trop attendues et trop illustratives pour ne pas perdre beaucoup en crédibilité.

Ensuite parce qu’on sait très vite où le scénario veut aller et que celui-ci s’y dirige sans réelle surprise et sans réelle habileté. Bientôt, les échanges tournent en rond, il n’y a plus grand chose à démontrer.

Enfin, et c’est sans doute le principal reproche qu’on peut faire à Carnage, le film se vautre de temps en temps dans des clichés ennuyeux. Après un affrontement gauche-droite pas inintéressant, le pugilat se transforme d’un coup en guerre des sexes très convenue. La description est alors complètement caricaturale : les femmes devenues hystériques se soutiennent contre des hommes qui se proposent whisky et cigare.

Le personnage de John C. Reilly, un type brave et mou qui se métamorphose au milieu de la scène en gros con macho, vogue d’un stéréotype à l’autre sans jamais parvenir à nous intéresser. Pire encore, l’évolution du personnage nous paraît parfaitement invraisemblable. Christoph Waltz joue le cynisme avec assez de talent pour que l’archétype qu’il représente ne perde jamais de sa consistance. Même constat pour Kate Winslet : la femme d’intérieur arrangeante qui se laisse déborder par des émotions trop longtemps contenues est souvent crédible.

C’est tout de même Jodie Foster qui campe le personnage le plus intéressant : Penelope Longstreet représente le principal intérêt du film. Cette femme est d’abord haïssable : remplie de bonne conscience et de bonnes intentions, trop fière de sa supériorité supposée, elle est la seule à ne pas se rendre compte qu’elle est comme les autres. Elle revêt un masque de grandeur d’âme et d’amabilité mais sa position est essentiellement égoïste. Elle semble simplement cacher son intérêt propre derrière l’intérêt général, ses raisons propres derrières la raison universelle.

Et pourtant, malgré ses rancœurs, malgré son arrogance, elle est la seule à faire des efforts, la seule à se battre encore, la seule à vouloir tenir des idéaux, même si elle n’est pas à la hauteur de ce qu’elle prétend. Elle est la seule à ne pas avoir renoncé. Il est bien plus facile d’afficher son cynisme que de se battre pour ce qu’on croit juste. Il est bien plus facile d’assumer sa mauvaise conscience et son égoïsme que d’essayer d’en faire quelque chose de positif, de continuer à lutter pour des principes, même si on n’est pas parfaitement capable de les assumer.

Le fonctionnement du monde repose sur une énorme hypocrisie morale : les appels incessants de l’avocat rappellent que les adultes luttent avec des moyens qui ne correspondent plus du tout aux valeurs qu’ils enseignent à leurs enfants.

Chacun assume maintenant son égoïsme, le chacun pour soi est la règle d’or. L’attitude des gouvernements, celle des entreprises, celle des individus, reposent toujours en grande partie sur l’injustice. Dans une société dans laquelle l’éthique n’est même plus un voeu pieux, à peine une façade superficielle, le vivre-ensemble est un songe, et le monde est voué au carnage. Derrière l’hypocrisie consensuelle, il y a la caméra légèrement mouvante de Polanski qui donne la nausée et rappelle l’ébriété des personnages. Mais qui souligne aussi que les bases de la société sont très branlantes. C’est cette instabilité qui fait l’objet de Carnage. Malheureusement, la mascarade sur laquelle repose le contrat social est dépeinte de manière assez grossière.

Note : 4/10

Carnage
Un film de Roman Polanski avec Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz et John C. Reilly
Comédie dramatique – France, Allemagne, Pologne, Espagne – 1h20 – Sorti le 7 décembre 2011