Archives de Catégorie: Films sortis en 2013

Shokuzai – Celles qui voulaient se souvenir

Présenté sous la forme d’une mini-série de 5 épisodes au Japon, Shokuzai a été découpé en deux films pour l’exploitation en salles. Dommage car le premier opus semble bien incomplet, et la coupe ne fait pas vraiment sens. Les 2 histoires qui nous sont présentées ici, orphelines des 3 suivantes, arrivent à nous captiver par moments, sans pour autant nous convaincre vraiment.

Synopsis : Dans une cour d’école, 4 fillettes sont témoins d’un meurtre. Sous le choc, aucune n’arrive à se rappeler de l’assassin. 15 ans plus tard, 2 d’entre elles voudraient se souvenir…

Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir - critiqueAprès le bref récit d’un événement traumatisant subi par quatre fillettes dans leur enfance, Kiyoshi Kurosawa s’intéresse aux conséquences de cet événement sur la vie de ces quatre amies devenues des jeunes femmes. 15 ans plus tard, les résonances du passé sont plus fortes que jamais.

Dans ce thriller froid et mystérieux, chaque personnage vit son traumatisme à sa façon, s’appropriant le passé douloureux comme une part très importante de son identité. L’histoire de Sae, aux frontières du film horrifique, fait froid dans le dos. Ce segment de Shokuzai, intense et énigmatique, est supérieur au suivant.

En effet, les aventures de Maki plongent le film dans le drame social improbable et un peu exagéré. Les coïncidences ont la part belle dans ce récit un peu limite qui voudrait nous faire croire que l’insécurité est généralisée et que les enfants sont sans cesse en danger. Néanmoins, les dilemmes moraux qui se posent ne sont pas inintéressants.

Mais le véritable problème, c’est qu’il s’agit clairement d’une première moitié de film. Le récit s’arrête au milieu, laissant l’impression évidente que cet opus ne se suffit pas à lui même et qu’en l’état, l’œuvre est inachevée.

Difficile donc de juger ce film avant de voir sa suite, sortie la semaine suivante au cinéma. Alors seulement le film sera complet et fera sens.

Note : 5/10

Shokuzai – Celles qui voulaient se souvenir (titre original : Shokuzai)
Un film de Kiyoshi Kurosawa avec Kyôko Koizumi, Hazuki Kimura et Yû Aoi
Drame – Japon – 1h59 – Sorti le 29 mai 2013

After Earth

Will Smith et son fils avaient déjà joué ensemble dans A la recherche du bonheur. Il y était déjà question de survie dans un univers hostile. La comparaison s’arrête là : After Earth se nourrit d’anticipation et d’aventures. S’il y a beaucoup de bonnes idées et de scènes percutantes, le film souffre d’un scénario vite prévisible et sans relief.

Synopsis : Après un atterrissage forcé, Kitai et son père se retrouvent sur Terre, mille ans après que l’humanité ait été obligée d’évacuer la planète, chassée par des événements cataclysmiques.

After Earth - critiqueLe film commence par distribuer ses cartes plutôt avantageuses. De très belles idées (l' »effacement », l’arrivée accidentelle sur une Terre abandonnée depuis mille ans, l’architecture des habitations du futur), la rapide description d’une société futuriste, et la fascination évidente pour ce que pourrait être l’humanité (et la Terre) dans un futur très lointain.

Et puis au bout de 20 minutes, le programme complet du film est exposé et celui-ci n’en divergera jamais. Pourtant, After Earth serait plutôt un objet étrange dans l’univers du blockbuster : l’histoire tient seulement sur deux personnages, dont l’un est immobilisé; le space opera se transforme peu à peu en film d’exploration puis en survival.

Mais le scénario paraît vite assez plat, la faute à des motifs un peu trop évidents (la relation paternelle, la confiance et la complicité, le poids de la peur et de la culpabilité…).

Pourtant, il faut reconnaître à M. Night Shyamalan que jamais on ne s’ennuie, alors que le dispositif pouvait laisser craindre le pire. Car le film distille quelques séquences époustouflantes, la plus réussie étant sans aucun doute le plongeon de Kitai depuis les hauteurs d’une falaise.

Comme toujours, le réalisateur de Sixième sens nous emballe par l’univers qu’il arrive à créer, par l’histoire qu’il nous raconte, par les enjeux qu’il met au centre de son récit. Et comme très souvent, son film s’avère un peu décevant au regard de ce qu’on pouvait en attendre et de son talent pour nous scotcher à l’écran par intermittence. On regrette aussi le jeu peu nuancé de Jaden Smith.

Le début d’After Earth est très prometteur, puis le film remplit son cahier des charges sans plus chercher à nous surprendre. L’aventure est parfois convenue, parfois palpitante, ce qui suffit néanmoins à nous faire passer un fort bon moment de cinéma.

Note : 5/10

After Earth
Un film de M. Night Shyamalan avec Jaden Smith, Will Smith et Sophie Okonedo
Science-fiction – USA – 1h40 – Sorti le 5 juin 2013

Only Lovers Left Alive – critique cannoise

Finissons le tour d’horizon du Festival de Cannes 2013 avec le dernier film présenté en compétition cette année, Only Lovers Left Alive. Malheureusement, le film de Jim Jarmush, trop lent, trop étiré, trop relâché, ne risquait pas de changer la donne au palmarès. Un poème visuel élégant mais ennuyeux.

Synopsis : Adam et Eve, deux vampires qui s’aiment depuis des siècles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?

Only lovers left alive - critique cannoiseEsthétiquement magnifique, Only Lovers Left Alive essaie de nous étourdir par sa belle lumière crépusculaire, par ses cadres saisissants, par sa superbe musique, par la splendeur glacée du visage de ses personnages.

Les vampires sont des êtres froids et parfaits, le film fait le choix de coller formellement à son sujet. Les vampires sont aussi des êtres lents, ils vivent depuis des siècles et ils ont tout leur temps. Le film avance sur un rythme élégiaque, les séquences s’étirent, les personnages semblent vivre au ralenti.

Malheureusement, l’ennui pointe vite le bout de son nez. Rien de bien nouveau dans le scénario : ces vampires civilisés rappellent ceux de Thirst de Park Chan-Wook. La mise en scène est trop relâchée, peinant à imposer son énergie au récit.

Quand Ava apparaît, on espère qu’enfin ce calme plat va être dynamité, mais rien ne vient, la chape de plomb qui pèse sur le film continue de faire son œuvre. Dans cette atmosphère de fin du monde, parfois un humour noir bienvenu surgit. Quelques plans forcent l’admiration, on pense notamment à ceux qui ouvrent le film, comme la promesse d’un poème envoûtant. Mais d’envoûtant, Only Lovers Left Alive devient vite hypnotique, voire soporifique.

Dans un monde qui périclite, Adam et Eve ne sont pas simplement des vampires, ils sont les derniers vrais humains (les autres sont appelés les « zombies »), un couple raffiné, cultivé et amoureux. Alors que les ressources fondamentales à leur survie sont contaminées, leur amour semble être leur seule arme pour survivre sur une Terre en déclin.

Dans cette fable écologique, Jim Jarmush semble nous prévoir un avenir apocalyptique, où la seule façon de rester en vie se joue aux dépens de la vie des autres. Dommage qu’il faille au spectateur presque autant d’effort pour suivre les aventures contemplatives de ce couple au sang froid.

Note : 3/10

Only Lovers Left Alive
Un film de Jim Jarmush avec Tilda Swinton, Tom Hiddleston, John Hurt et Mia Wasikowska
Romance, Fantastique – USA – 2h03 – Sortie le 12 décembre 2013

La Vénus à la fourrure – critique cannoise

Décidé à poursuivre son exploration des huis clos théâtraux, Polanski adapte la pièce de David Ives, elle même tirée du roman érotique éponyme. Par petites touches, on retrouve l’univers inquiet, menaçant, paranoïaque du réalisateur de Rosemary’s Baby. Malheureusement, l’aspect subversif de l’œuvre est noyé dans un duel un peu plat et, c’est un comble, pas très excitant.

Synopsis : Un metteur en scène, désespéré par le niveau des actrices se présentant au casting de sa prochaine pièce, rencontre une comédienne vulgaire, écervelée, mais stupéfiante de talent…

La Venus à la fourrure - critique cannoiseAprès Carnage, Polanski continue à faire du théâtre filmé, et c’est dommage. Son exploration du roman érotique de Leopold von Sacher-Masoch lui permet de parler de sujets peu abordés au cinéma : la domination, le masochisme, le plaisir sexuel qu’on peut ressentir à être dirigé et humilié.

Sur le mode assez classique d’un jeu de pouvoir qui s’inverse progressivement, ce tête-à-tête entre un metteur en scène tourmenté et une actrice apparemment vulgaire parle aussi de la relation d’amour et de dépendance qui se crée entre un artiste et son interprète, entre un créateur et son œuvre.

A ce titre, Vanda représente le fantasme absolu de Thomas, et celui de Roman Polanski lui-même (c’est d’ailleurs sa femme qu’il dirige). Le ton fantastique du film (le travelling initial, l’apparition de Vanda, sa métamorphose, le danger qui rôde) rappelle les obsessions du cinéaste franco-polonais : l’atmosphère est de plus en plus lourde, la relation entre l’homme et la femme de plus en plus malsaine.

Malheureusement, au lieu de s’emballer, la pièce semble se contenter de suivre les rails dessinés pour elle dès la première demi-heure. Le malaise est de surface, les pulsions déviantes et subversives semblent ne jamais s’échapper de l’exercice littéraire. A force d’enfermer sa caméra sur une scène de théâtre, Polanski se prend au piège de l’exercice de style. Son cinéma aurait grand besoin d’une bouffée d’air frais.

Note : 4/10

La Vénus à la fourrure
Un film de Roman Polanski avec Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric
Comédie dramatique – France – 1h30 – Sortie le 13 novembre 2013

Blood Ties – critique cannoise

Suite du tour d’horizon de Cannes 2013 avec le film de Guillaume Canet, présenté hors compétition, et l’une des montées des marches les plus glamours de l’année. Le film, un thriller nostalgique du cinéma américain des années 70, est certes très classique dans sa forme, mais il arrive à créer des nœuds dramatiques efficaces jusqu’à un dénouement de tragédie grecque.

Synopsis : New York, 1974. Chris est libéré après plusieurs années de prison pour un meurtre. Devant la prison, Frank, son jeune frère, un flic prometteur, est là, à contrecœur…

Blood Ties - critique cannoiseAvec son casting cinq étoiles, Guillaume Canet reprend un film dans lequel il avait joué, dans une version américaine classique et codifiée. Comme si Canet voulait simplement imiter les polars américains des années 70. Tout ici, le scénario, les enjeux, l’image, les scènes d’action, rappellent ce cinéma-là.

C’est ce qui provoque parfois une certaine lassitude pour un film qu’on a l’impression d’avoir déjà vu dix fois. Pourtant, Canet arrive par moments à intensifier son intrigue et à nous intéresser vraiment au destin de ces deux frères.

Sur un scénario similaire, James Gray, ici co-scénariste, avait livré il y a quelques années le puissant La Nuit nous appartient. La mise en scène de Canet n’a pas l’ampleur de celle de son modèle, et Blood Ties est beaucoup moins dense et lumineux que ne l’était le film de Gray.

Pourtant, sans inventivité et sans génie, Guillaume Canet arrive à saisir peu à peu son spectateur, jusqu’à une scène finale très enthousiasmante. Un film finalement assez efficace pour nous prendre aux tripes lors de quelques séquences réussies.

Note : 5/10

Blood Ties
Un film de Guillaume Canet avec Clive Owen, Billy Crudup, Marion Cotillard, Zoe Saldana, Mila Kunis, James Caan et Matthias Schoenaerts
Thriller – USA, France – 2h22 – Sortie le 30 octobre 2013