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Rue Mandar
Emmanuelle Devos et Sandrine Kiberlain en sœurs opposées dans une tragi-comédie familiale. C’est sur ces deux actrices que le film aurait pu trouver sa ligne de force. Mais Idit Cebula, trop occupée à imiter ses souvenirs, a négligé d’approfondir les personnages et les situations. Rue Mandar est une succession de scènes artificielles et déjà vues, un film à la folie très calibrée.
Synopsis : À l’occasion de funérailles rocambolesques, deux sœurs et un frère se retrouvent ! Rencontres électriques pour cette fratrie qui ne sait comment se dire son amour réciproque.
Le film est comme l’affiche : un assemblage de vignettes bien connues, mises les unes à côté des autres sans imagination, posées sur un fond vide et illustrées par une écriture rose sursignifiante. Chaque personnage a le droit à son portrait tout sourire, et au milieu une photo de groupe. Voilà donc ce qui relie tout ce beau monde : la famille. On est tout de suite dans l’ambiance : ce sera un spectacle joyeux, intime et foisonnant, sympathique et convenu, un spectacle beauf qui trouvera parfaitement sa place dans la grille de programmes de TF1.
Rue Mandar est donc le stéréotype de la comédie familiale à la française, à mille kilomètres cependant de l’inventivité d’Un Conte de Noël ou même du jeux de massacre bobo Le Prénom. La culture juive offre au film son seul souffle : une espèce de folie qui contamine tous les plans de groupe jusqu’à devenir artificielle. Souvent, en voyant tous les personnages parler en même temps, se crier dessus, se courir après et s’agiter en tout sens, on ressent plus le travail de la réalisatrice que la vérité d’une famille juive dans tous ses états. Non pas que ce soit mal décrit, c’est exactement ça, mais ici ça sonne faux, on voit plutôt les efforts de mise en scène pour coller à l’exubérance recherchée. Ronit Elkabetz avait saisi avec beaucoup plus d’acuité la famille juive en deuil dans son très beau Les Sept jours.
Et le récit? Un deuil, une histoire d’amour naissante, des couples en crise, des frères et des sœurs qui ont du mal à s’accepter les uns les autres. Tous les clichés sont là, traités superficiellement et sans aucune inventivité. Quand le film se termine, on a eu le droit à tous les bons sentiments qui vont bien. Tout ici est d’une fatigante banalité. Pour voir une comédie sensible et originale sur la perte d’un proche, on regardera l’Adieu Berthe de Bruno Podalydès, sorti il y a quelques mois.
On sent bien la sincérité d’Idit Cebula dans cette histoire autobiographique, mais Rue Mandar souffre du gouffre qui peut exister entre la sincérité d’un projet et l’authenticité du résultat.
Note : 1/10
Rue Mandar
Un film d’Idit Cebula avec Sandrine Kiberlain, Richard Berry et Emmanuelle Devos
Comédie – France – 1h35 – Sorti le 23 janvier 2013
Pourquoi tu pleures ?
Film de clôture de la Semaine de la critique du Festival de Cannes 2011, Pourquoi tu pleures ? s’annonçait comme un premier film sincère et décalé. Malheureusement, l’originalité se transforme en brouhaha, la fraicheur en artifice. Le scénario fait du surplace, Benjamin Biolay pleure et le spectateur, incrédule, s’ennuie.
Synopsis : A quelques jours de son mariage, un jeune homme un peu perdu se retrouve confronté à des décisions cruciales, entre sa fiancée qui a disparu et la fille qu’il vient de rencontrer…
Le sujet est éternel : mariage ou liberté? amour durable ou passion d’un instant? Et le postulat de départ pour traiter ces questions est plutôt intéressant : à quatre jours de son mariage, le futur marié rencontre une femme qu’il pourrait aimer, alors que sa promise est injoignable.
L’homme aime sa future épouse, elle a beau l’agacer de temps en temps, il est amoureux d’elle. Mais de là à fermer la porte à toutes les autres amours qui pourraient surgir… De là à renoncer à toutes les histoires qu’il pourrait vivre, à toutes les passions qui pourraient l’assaillir… Ce sont ces histoires, ce sont ces passions dont on se rappelle toujours comme les moments les plus excitants de notre vie. S’engager avec une femme, une seule, se lier à elle pour toujours, c’est décider de ne plus vivre ces moments fulgurants de la rencontre et de la découverte amoureuse.
Et puis surtout, est-ce la bonne? Cette autre femme à peine rencontrée, Léa, c’est la possibilité d’un autre amour, incertain, différent, d’une autre vie à côté de laquelle il va falloir passer. Pourquoi ne pas tout recommencer pour elle, qu’il aime déjà presque, qu’il aimera s’il laisse une chance à leur amour d’exister? Comment être sûr que l’amour qu’il a déjà acquis n’est pas inférieur à l’amour qu’il pourrait conquérir?
Le traitement de l’histoire donne au chaos intérieur du personnage des résonances partout autour de lui : sa famille est désarticulée et conflictuelle, ses amis sont totalement paumés, sa belle-famille est envahissante et inquiétante, sa future femme est doucement dingue.
C’est ce ton si volontairement bordélique qui perd le film. A chaque personnage qui apparaît, à chaque réplique lancée, à chaque situation incongrue, on ressent avec trop d’insistance le désir de la réalisatrice de faire un film décalé. Tout devient alors artificiel, les relations entre les personnages sonnent faux, leurs réactions laissent le spectateur incrédule.
Benjamin Biolay interprète un personnage pas très sympathique qui semble découvrir ses proches au cours du film : sa soeur n’est pas mariée, sa fiancée aime le sexe dans des endroits inhabituels, sa mère n’a pas choisi son mariage… Comme s’il avait été absent de sa vie jusqu’au début du film. La seule relation qui reste crédible et tendre, c’est celle qui n’existait pas auparavant, celle qu’il construit avec Léa.
On s’attache alors à ces moments volés qui échappent à la sophistication factice d’un scénario qui tourne en rond. Rien n’avance, le personnage ressasse toujours les mêmes angoisses qui auraient pu faire un joli court-métrage mais qui ennuient dès que le premier quart d’heure est passé. Pour remplir son film, Katia Lewkowicz s’amuse à introduire une tripotée de personnages bizarres mais jamais naturels et donc jamais attachants. L’agacement du futur marié, entouré de déséquilibrés, devient trop vite évident, et s’il y a une question qu’on ne se pose paradoxalement jamais, c’est de savoir pourquoi il pleure.
Seule Léa surnage dans cet enfer d’altérités. C’est de ce côté de Pourquoi tu pleures ?, dans l’attente finale que la jeune femme subit, que se trouve la véritable angoisse : un autre amour était possible. Dommage que le film, trop occupé à se donner des faux airs d’originalité, noie dans les larmes la détresse fondamentale qui anime son personnage : choisir un amour, c’est renoncer à tous les inconnus qu’on aurait pu aimer.
Note : 3/10
Pourquoi tu pleures ?
Un film de Katia Lewkowicz avec Benjamin Biolay, Emmanuelle Devos, Nicole Garcia, Valérie Donzelli, Sarah Adler et Hanna Laslo
Comédie dramatique, Romance – France – 1h39 – Sorti le 15 juin 2011