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Frances Ha

Avec ses faux airs de film générationnel et de feel-good movie, Frances Ha fait tout pour nous conquérir : Greta Gerwig ne s’épargne aucun mouvement ni aucun sentiment, le réalisateur la suit à la trace, amusé, cherchant toujours la connivence avec le spectateur. L’opération charme, un peu trop évidente, fonctionne quand même le plus souvent, entre sourire et mélancolie.

Synopsis : Frances, jeune New-Yorkaise, rêve de devenir chorégraphe. En attendant, elle s’amuse avec sa meilleure amie, danse un peu et s’égare beaucoup…

Frances Ha - critiqueFilm d’une époque et d’un mode de vie (bobo intello), Frances Ha est aussi et surtout le film d’un moment de la vie, celui de plus en plus long, de plus en plus permanent, qui voit des jeunes personnes sorties de l’adolescence chercher sans les trouver les repères qui construiraient leur vie d’adulte.

A ce titre, le plan qui voit l’héroïne s’en aller, emportée par un escalator, tandis que ses parents lui disent au revoir, est particulièrement éloquent. Comment nos parents en sont-ils arrivés là, comment ont-ils bâti les certitudes qui ont construit notre enfance et protégé notre innocence? Les temps ont radicalement changé, et la génération de Frances Ha ne peut pas suivre le modèle de la génération précédente.

Après l’adolescence, il n’y a plus l’âge adulte, il y a le doute, le flottement d’un âge qui semble ne jamais devoir se finir, un âge où l’on se construit sans cesse en se demandant si un jour on arrivera à se poser (tout en redoutant ce moment qui ne peut arriver que trop tôt).

Alors qu’avons nous à perdre? L’insouciance, les blagues, le bonheur de l’instant présent, les rêves, le temps d’être nous-mêmes, la complicité, et au bout du compte l’amitié.

Le film arrive à saisir cette spirale de joie et d’inconfort, d’enthousiasmes et de déceptions, dans un noir et blanc new yorkais qui n’est pas sans rappeler le maître Woody Allen (la situation d’une héroïne paumée et plutôt bavarde rend la filiation encore plus évidente).

On regrette cependant que le film veuille avant tout nous séduire, n’hésitant pas pour cela à jouer au maximum de l’atout charme Greta Gerwig (très présente physiquement), ni à se transformer par moments en clip pour marque de chaussures branchée.

Le personnage-titre, attachant et maladroit, doit absolument plaire au spectateur. Noah Baumbach nous drague, et on doit bien dire qu’on n’est pas insensible aux grâces de son film et de son héroïne. Mais il manque un peu de consistance et de conviction pour que cette jolie tranche de vie ne soit pas un miroir générationnel trop bien emballé pour être parfaitement sincère.

Frances Ha court dans la rue en dansant sur du David Bowie. On a envie de faire de même. Mais ensuite? Le film se termine quand la demoiselle retombe enfin sur ses pattes. Sans jugement et sans ressentiment sur des relations d’amitié qui se sont révélées bien superficielles. A trop vouloir plaire, à trop vouloir nous égayer, le réalisateur laisse échapper la fragile mélancolie qu’il avait saisie un instant. La vraie Frances Ha continue sans doute de courir, seule et vulnérable, tandis que Baumbach nous livre une happy end convenue.

Note : 5/10

Frances Ha
Un film de Noah Baumbach avec Greta Gerwig, Mickey Sumner, Adam Driver et Michael Zegen
Comédie dramatique – USA – 1h26 – Sorti le 3 juillet 2013