127 heures
127 heures aurait dû être un huis clos à l’air libre, un film d’autant plus suffoquant que le ciel est là, partout, presque envahissant et parfaitement inaccessible. Mais Danny Boyle a rempli son film de souvenirs et hallucinations souvent inutiles et tape-à-l’oeil. Le message est tellement appuyé qu’il finit par être vidé de sa substance. Jusqu’à transformer le film en spot publicitaire.
Synopsis : Aron Ralston, 27 ans, se met en route pour une randonnée dans les gorges de l’Utah. Au fin fond d’un canyon reculé, un rocher roule et emprisonne son bras dans le mur de rocaille…
127 heures est un survival solitaire au beau milieu des paysages désertiques de l’Utah. La photographie est superbe, on peut presque sentir au toucher les rochers qu’Aron parcourt de la main. L’introduction est sympathique, elle ressemble plus à un clip pour les sports de l’extrême qu’à un film mais l’énergie est là, indéniablement, et la joie est communicative.
Danny Boyle est sans aucun doute un cinéaste du mouvement et à partir du moment où son héros se retrouve coincé par un rocher dans une faille d’un canyon, il ne peut se résoudre à filmer l’isolement, l’enfermement, l’immobilité ou le silence. Comme s’il fallait remplir ces 127 heures et veiller à ne pas ennuyer le spectateur (mais surtout à ne pas s’ennuyer soi-même : on sent bien que Danny Boyle n’est pas fasciné par la claustrophobie comme l’est par exemple Vincenzo Natali), le réalisateur britannique remplit la solitude d’Aron de tout un tas de stratagèmes pour le faire sortir de son trou : souvenirs, fantasmes, rêves, espoirs, conversations à la caméra, vidéos filmées avant le drame, hallucinations… Les 127 heures se passent certes dans la tête d’Aron, mais surtout à l’extérieur du canyon, loin de la situation coincée du héros.
On regrette souvent ces effets certes amusants, mais rarement mis au service de quelque chose d’intéressant : tous les passages concernant les parents d’Aron ou son ancienne petite amie sont plats et inutiles, ennuyeux et tristement consensuels. Et à cause de ces flash-backs mielleux, le propos du film perd en subtilité. Danny Boyle veut détruire le fantasme américain de l’individu qui n’a besoin que de lui-même pour réussir, pour s’amuser, pour vivre. Le self-made man qui ne doit rien à personne. Chouette idée de rappeler que dans un pays (et dans un monde) où l’égoïsme atteint des sommets, l’homme a plus que jamais besoin des autres. Pourtant, il n’était pas nécessaire d’appuyer aussi fort, de résumer le propos du film pour ceux qui n’auraient pas compris, d’abord par la bouche d’Aron, puis par un texte idiot qui rappelle que tout ceci est une histoire vraie (comme si ça donnait plus de valeur à une histoire), resituant le film dans le spot de prévention plutôt que dans l’oeuvre de cinéma.
Danny Boyle, malgré sa réalisation toujours punchy, a perdu de sa folie : depuis Slumdog Millionnaire, il n’y a plus, à la fin de ses films, cette explosion inattendue qui bouleversait toutes ses intrigues pour les conduire à la frontière entre l’incohérence et la réflexion métaphysique. Dans 127 heures, il y a bien une situation extrême qui offre d’ailleurs la plus belle idée et la plus belle scène du film. Mais elle est trop courte, elle ne remet pas assez en question la douce avancée du scénario, elle n’est pas assez surprenante, pas assez radicale. On ne ressent pas le vertige qui emportait le film aux deux tiers dans Petits meurtres entre amis, Trainspotting, 28 jours plus tard, La Plage ou Sunshine.
Danny Boyle s’est assagi. Et 127 heures, parfois stimulant, ressemble trop souvent à une publicité branchée.
Note : 4/10
127 heures (titre original : 127 hours)
Un film de Danny Boyle avec James Franco
Aventure – USA, Royaume-Uni – 1h34 – Sorti le 23 février 2011
Publié le 9 septembre 2011, dans Films sortis en 2011, et tagué aventure, Danny Boyle, James Franco. Bookmarquez ce permalien. 2 Commentaires.
Je trouve la partis pris très réussi car tous ces éléments qui peuvent tenir du clip est le reflet d’une certain génération MTV, biberonné à ces programmes et qui, dans un moment de détresse, ressurgissent comme des bouées de sauvetage mentales.
Les Etats-Unis, terre d’égoïstes ? Lors des mes escapades là-bas, je n’ai rencontré que des gens curieux, ouverts à la discussion et fortement sympathiques, même dans des quartiers craignos de Los Angeles ou San Francisco.
Pour moi, 127 heures est une belle réussite, au style qui peut déplaire, mais qui ne surjoue pas l’émotion, très forte en fin de film : ça n’aurait pas été une histoire vraie, on ne pourrait pas y croire. Sacré leçon de survie.
Je ne dis pas que les Etats-Unis sont une terre d’égoïstes (j’ai moi-même pu profiter de la gentillesse des américains) mais plutôt une terre d’égoïsme, un pays riche dans lequel 20% de la population vit dans la précarité et où le système de santé laisse les plus démunis sur le carreau. Et les USA ne sont bien entendu pas les seuls dans ce cas, le système de la précarité se propage un peu partout. Je trouve que le film rappelle qu’on ne vit que par les autres et qu’on a toujours besoin de tous pour former une société, ce qui peut avoir tendance à être oublié.
Quant à 127 heures, certes ces éléments sont le reflet d’une génération, et d’ailleurs ils ne me dérangent pas forcément. Ce qui m’a plus déçu pendant le film, c’est l’utilisation de tous ces procédés pour parler de choses pas forcément passionnantes (à mon avis).