Archives de Catégorie: Films sortis en 2012

Les Cinq légendes

DreamWorks est toujours en-dessous de Pixar. Quand Pixar livrait des chefs d’oeuvre, DreamWorks proposait des films moyens. Quand Pixar se rate totalement avec Rebelle, alors DreamWorks arrive à faire encore moins bien avec ce film niais, archi-conventionnel, dépourvu de la moindre inventivité et du moindre risque. On rêve autant que devant une usine.

Synopsis : L’aventure d’un groupe de héros. Emmenées par Jack Frost, un adolescent rebelle et ingénieux, ils vont devoir protéger les espoirs, les rêves et l’imaginaire de tous les enfants.

Les Cing légendes - critiqueLes Cinq légendes, c’est un blockbuster-navet pour enfants. Les scènes d’action s’enchainent comme des passages obligés sans inventivité et le scénario manichéen est extrêmement simpliste pour rester accessible aux plus petits. Chaque légende est d’abord une figurine à bientôt gagner dans son Happy Meal : les personnages sont des vignettes animées interchangeables sans histoire ni caractère, une équipe de produits marketing à la Kung Fu Panda, jamais le film n’apporte plus que l’argument de départ qu’il a piqué à la culture populaire.

Quant à l’intrigue elle-même, non seulement elle tient sur un timbre poste, mais en plus elle a déjà été vue un million de fois. Une armée d’effets spéciaux au service… des mensonges qu’on sert aux gamins et qu’il faudrait absolument préserver pour que le monde reste ce qu’il est, merveilleux et féérique (si si, tous les enfants de la Terre sont heureux aujourd’hui grâce au Père Noël et au Lapin de Pâques qui pensent à eux…). Bref, Les Cinq légendes, c’est une vision du monde bêta et chamallow difficile à supporter pendant 1h30. Rajoutons qu’on ne rit jamais, et qu’il n’y a pas le moindre suspense ou la moindre surprise pour nous sortir de notre torpeur.

Un produit commercial calibré, sans risque, sans poésie, sans idée, sans contenu. Une compilation de clichés pour formater les enfants dès leur plus jeune âge (les autres s’ennuieront ferme).

Note : 0/10

Les Cinq légendes (titre original : Rise of the Guardians)
Un film de Peter Ramsey avec les voix de Alec Baldwin, Jude Law, Hugh Jackman…
Film d’animation – USA – 1h37 – Sorti le 28 novembre 2012

Cogan : Killing Them Softly

On avait été impressionné par le saisissant western L’Assassinat de Jesse James... Ici, Andrew Dominik parle du monde au présent (celui de la crise économique) et livre une œuvre étrange, quelque chose qui ressemblerait à un thriller sans suspense, à une comédie sans humour, à un brûlot politique sans idéal à défendre. En somme, un film peu aimable mais très appréciable.

Synopsis : Lorsqu’une partie de poker illégale est braquée, le monde des bas-fonds de la pègre est menacé. Les caïds de la Mafia font appel à Jackie Cogan pour trouver les coupables.

Cogan : Killing Them Softly - critiqueAprès l’époustouflant L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Andrew Dominik revient avec un film qui parle toujours d’assassinats et de lâcheté, mais dans les USA d’aujourd’hui.

Cogan : Killing them softly suit des petites frappes qui risquent leur vie pour un peu d’argent, et un tueur solitaire et impassible qui a pour mission de les punir. Si l’histoire en elle-même n’a que très peu d’envergure, il n’en est pas de même de la façon dont elle est racontée. Andrew Dominik se propose de faire le portrait de son pays à travers des personnages de losers pathétiques pris dans une intrigue sans échappatoire, comme une grande métaphore du « peuple » américain, des citoyens qui sont tous plus ou moins dans la situation que décrit le film.

Cogan est l’un des films les plus violemment antiaméricains jamais écrit. Le pays des libertés et de la réussite individuelle est en fait le territoire du business et de la solitude, celui de l’échec individuel. Quand le système financier prend l’importance qu’il a aux Etats-Unis (et aujourd’hui partout ailleurs), alors il n’y a plus de place dans les relations humaines que pour les affaires. Dans Cogan, aucun personnage n’entre en contact avec un autre s’il n’est d’abord question d’argent, l’un devant payer l’autre ou les deux s’associant pour en gagner ensemble. Les interventions d’Obama ou de Bush reviennent régulièrement dans le film comme une litanie de mensonges avec lesquels les gens doivent vivre, même s’ils n’y accordent aucune importance.

Ceux qui y croient un peu (Frankie, Markie, Russell) ou qui font semblant d’y croire (Mickey, Johnny, le représentant des tripots) finissent par se faire avoir. Seule la lucidité de Cogan lui permet de survivre dans cet univers du chacun pour soi qu’on appelle les Etats pourtant Unis d’Amérique.

Les personnages de truands paumés et bavards semblent sortir tout droit d’un film de Tarantino, avec leurs longues tirades où ils racontent leurs difficultés sentimentales, leurs mésaventures de brigands ou leurs incertitudes. Ce monde lourd et poisseux, qui tourne en rond en suivant une logique implacable et cynique, s’enfonce peu à peu dans l’absurdité la plus noire. L’univers dépressif devient vite un univers d’indifférence, prenant le risque de désintéresser le spectateur d’une intrigue où les personnages ne sont ni attachants ni inquiétants, et courent avec évidence vers leur perte, qui n’en sera une pour personne.

A force d’étouffer l’humour, pourtant omniprésent, par un pessimisme total, le film devient, suivant le mot du réalisateur, une « comédie pas drôle », une farce aride et glauque à la mécanique désagréable. Parfois, la réalisation prend un peu de hauteur sur cette intrigue miteuse, comme dans cette scène élégiaque de meurtre au ralenti, étourdissante, avec brisures de verre, balles aveugles et derniers réflexes d’autodéfense.

Cogan est un film ingrat car il se veut le reflet d’un pays où la vie est pénible et où il n’y a pas d’idéal en dehors des discours creux. Ses personnages sont des insectes écrasés par la liberté individuelle qui ne les mène qu’à l’égoïsme et à l’isolement. Andrew Dominik livre un portrait du Nouveau Monde spectaculairement désenchanté.

Note : 6/10

Cogan : Killing Them Softly (titre original : Killing Them Softly)
Un film d’Andrew Dominik avec Brad Pitt, Scott McNairy, James Gandolfini, Richard Jenkins, Ray Liotta, Ben Mendelsohn, Vincent Curatola et Sam Shepard
Thriller – USA – 1h37 – Sorti le 5 décembre 2012

Jours de pêche en Patagonie

Après Historias minimas et Bombon el perro, le cinéaste argentin Carlos Sorín revient avec un nouveau récit dépouillé, qui s’attache aux pas d’un homme en quête de rédemption. Le film est lent, pas vraiment passionnant, mais les acteurs sont touchants et parfois ils donnent au drame une certaine grâce.

Synopsis : A la recherche d’un nouveau départ, Marco part en Patagonie s’initier à la pêche au requin. Mais ce n’est pas l’unique raison de son arrivée dans la ville de Puerto Deseado…

Jours de pêche en Patagonie - critiqueUn film d’une simplicité désarmante sur un homme qui essaie de renaître. Fidèle à ses convictions minimalistes, Carlos Sorin en dit le moins possible. Du passé de Marco, on ne connaîtra presque rien : un métier décrit rapidement, quelques difficultés avec l’alcool, un éventuel problème de santé.

De ses relations avec sa fille et son ex-femme, encore moins : cinq phrases tout au plus, lancées au détour d’une conversation, et quelques regards évocateurs permettent de reconstituer une séparation douloureuse.

Pourquoi la relation de Marco et d’Ana s’est-elle à ce point distendue? Comment un homme qui parait aussi raisonnable, sympathique et souriant que Marco a-t-il pu abandonner les siens et (peut-être) tomber dans l’alcool? Le réalisateur préfère se concentrer sur quelques rencontres : un entraîneur de boxe, un spécialiste de la pêche au requin.

Tout cela occupe un peu le temps solitaire d’un homme qui voudrait plus que tout renouer des liens. Tant de non-dits frustrent, tant de simplicité touche au simplisme.

Pourtant, les acteurs, irréprochables, rendent le drame intime crédible d’un bout à l’autre, et la superbe musique, triste et pleine d’espoirs en même temps, participe à l’émotion diffuse qui parcourt le film. Jours de pêche en Patagonie est un film sensible sur un bout d’humanité, mais un bout si petit et si ordinaire qu’on aura bien du mal à s’emballer pour ce cinéma-là.

Note : 4/10

Jours de pêche en Patagonie (titre original : Días de Pesca)
Un film de Carlos Sorín avec Alejandro Awada, Victoria Almeida et Oscar Ayala
Drame – Argentine – 1h18 – Sorti le 26 décembre 2012

4h44 Dernier jour sur Terre

Sorti deux jours avant le fameux 21/12/2012, 4h44 Dernier jour sur Terre est une nouvelle façon d’aborder la fin du monde, à des années lumières des catastrophes spectaculaires du 2012 de Roland Emmerich ou de la beauté inquiétante du Melancholia de Lars von Trier. Ici, l’heure précise est connue d’avance, rien n’est plus à faire. Et les personnages piétinent et balbutient, incapables de trouver comment occuper ces derniers instants.

Synopsis : New York. Cisco et Skye s’apprêtent à passer leur dernier après-midi ensemble. Demain, à 4h44, le monde disparaîtra.

4h44 Dernier jour sur Terre - critiqueLe sujet de départ et la manière de l’aborder sont passionnants. Demain matin, à 4h44, ce sera la fin du monde. Une fin du monde calculée par les scientifiques, et à laquelle on ne peut plus rien. Ce qui est très fort dans le film, c’est que chacun sait, c’est que personne ne remet sérieusement en question l’apocalypse. Certes, le doute existe toujours, mais tous les personnages attendent inexorablement que l’humanité termine son histoire.

Pas de sauvetage épique, pas de monuments s’écroulant sous le poids de la catastrophe, pas de survivant isolé luttant pour continuer un peu le chemin. Non, juste des hommes et des femmes ordinaires qui attendent, tristement ou joyeusement, camouflant leur détresse comme ils peuvent, choisissant les derniers instants de vie comme on choisit comment terminer une soirée. Rien n’a plus d’importance qu’autre chose quand tout finit dans quelques instants. La mort de tout ne laisse rien derrière elle : la vie est rendue dérisoire et chacun cherche désespérément une spiritualité à laquelle se raccrocher.

Le film s’attache à l’intimité d’une fin du monde. C’est la très belle idée d’Abel Ferrara de rendre ce moment crucial presque anodin : on ne peut rien y faire, on ne peut que patienter en compagnie d’un couple replié sur lui-même. Pourtant, et c’est aussi un point captivant du film, le huis clos à l’heure du web est ouvert sur le monde : les écrans sont partout, qu’il s’agisse des flux d’images de la télévision, d’Internet et des smartphones, ou bien qu’on essaie de communiquer une dernière fois virtuellement avec ses proches (qui n’ont plus de proches que le nom). On voudrait régler les derniers comptes, dire quelques mots d’amour, se rapprocher de sa famille, retrouver de vieux amis peut-être. Mais on n’arrange pas une vie en un dernier jour, encore moins par écran interposé. L’illusion d’un monde entièrement à disposition est aussi celle d’avoir un quelconque pouvoir sur les choses et les gens. En dépit de l’instantanéité, toutes les gesticulations restent vaines.

Cisco s’interroge sur la manière de passer ce dernier moment : il aimerait oublier, dans la fête, dans la drogue, dans le sexe. Skye veut continuer ce qui lui parait important : aimer et créer. La sérénité n’est qu’une façade, la rébellion n’est plus possible. C’est la fin de toutes les possibilités, de tous les choix, puisque tous les choix sont finalement égaux. Alors pour occuper un dernier jour sur Terre, il ne peut y avoir que l’errance, il ne peut y avoir que du vide.

Alors il ne reste plus rien qu’une étreinte

C’est aussi le défaut du film de se complaire dans ce vide, de se répéter continuellement comme pour transmettre l’état d’esprit de personnages qui tournent en rond. 1h22 d’attente peut paraître bien long, quand on n’attend rien. Abel Ferrara aurait sans doute pu raconter la même chose sous la forme d’un court métrage intense. C’est surtout la philosophie mystico-bouddhiste qui épuise : on est souvent face à un charabia d’images panthéistes, une bouillie de propos convenus, un désordre new age dont ne ressort que la musique, souvent captivante.

4h44 Dernier jour sur Terre est convaincant quand il illustre les dangers écologiques auxquels nous nous exposons. On aimerait même pouvoir suivre sa colère noire contre l’inconscience des hommes, mais on reste un peu extérieurs. Il y avait sans doute des moyens plus simples et plus crédibles de se révolter contre l’imprudence de l’être humain. Et surtout de dire que les seules choses qui comptent vraiment lors de notre passage sur terre, c’est le moment présent, et c’est l’autre. Comme le dit Skye à la fin : « all we have is right now, all we have is each other ». Tout le reste est pure impuissance. Le film d’Abel Ferrara dépeint un moment où cette impuissance est portée à son paroxysme, et en effet, alors il ne reste plus rien que maintenant et que ce qu’on est les uns pour les autres. Comme dans le Melancholia de Lars Von Trier, alors il ne reste plus rien qu’une étreinte.

Note : 6/10

4h44 Dernier jour sur Terre (titre original : 4:44 Last day on Earth)
Un film d’Abel Ferrara avec Willem Dafoe, Shanyn Leigh et Natasha Lyonne
Drame, Science-fiction – USA, Suisse, France – 1h22 – Sorti le 19 décembre 2012

De l’autre côté du périph

Omar Sy qui danse dans un salon de la bourgeoisie parisienne, ça vous rappelle quelque chose? De l’autre côté du périph surfe sur la vague Intouchables et propose de réunir deux acteurs (et personnages) qu’apparemment tout oppose. Exit la tendresse, il ne reste ici que la comédie, mâtinée d’action. Le duo comique fonctionne plutôt bien mais le film reste parfaitement banal.

Synopsis : Ousmane Diakité, policier de Bobigny et François Monge, capitaine de la crim’ de Paris, vont devoir faire équipe pour élucider le meurtre de la femme d’un grand patron…

De l'autre côté du périph - critiqueDe l’autre côté du périph est un buddy movie classique qui réunit deux policiers très différents (on pense à 48 heures, L’arme fatale et autres Rush Hour). La petite idée marrante du film, c’est de proposer un Ousmane Diakhaté plutôt conservateur et psychorigide (bien qu’il vienne des banlieues et qu’il a apparemment toute la désinvolture qui va avec), et un François Monge souvent détendu et libertin (en dépit d’un style très propre sur lui, très « parisien »).

La fameuse frontière du périph est très exploitée en ce moment dans la comédie français, soucieuse de réconcilier Paris et sa banlieue, que ce soit dans Lascars, Tout ce qui brille, Neuilly sa mère! (Neuilly prenant alors le rôle de Paris) ou, plus récemment, Les Kaïra. Ici, les gags sont inoffensifs mais plutôt réussis : chacun des deux flics a son univers à lui, mais on se rend bien vite compte que Ousmane n’est pas forcément heureux au milieu d’une cité, pas plus que François dans les bureaux de la Brigade Criminelle de Paris.

On retient aussi une scène un peu osée et rarement vue dans ce genre de comédie calibrée, celle dans le club échangiste, plutôt bien sentie. Pour le reste, le film souffre d’un gigantesque manque de rythme et la réalisation est mauvaise, avec des choix de cadres complètement ratés, notamment ces pénibles contre-plongées qui ralentissent le récit. N’est pas Tarantino qui veut.

L’intrigue policière est inintéressante au possible, le film est donc sauvé simplement par l’écriture des gags, plutôt chouette, et l’interprétation des acteurs, surtout Omar Sy, décidément en grande forme.

Note : 3/10

De l’autre côté du périph
Un film de David Charhon avec Omar Sy, Laurent Lafitte, Sabrina Ouazani et Lionel Abelanski
Comédie, Policier – France – 1h36 – Sorti le 19 décembre 2012