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Les films sortis en France en 2011
Arrietty, le petit monde des chapardeurs
Arrietty est le meilleur film du studio Ghibli depuis Le Voyage de Chihiro. Une aventure excitante où le danger se cache derrière le quotidien le plus banal, une fable mystique sur la survie des êtres et des espèces, un conte politique sur une autre manière de concevoir l’économie, et surtout l’histoire d’un amour impossible, simple et déchirante. Un petit chef d’œuvre.
Synopsis : Sous le plancher d’une maison perdue au coeur d’un grand jardin, de minuscules êtres, les chapardeurs, vivent sans se montrer des humains. Jusqu’au jour où Arrietty rencontre Sho…
Le Studio Ghibli nous a habitué aux chef d’oeuvre mais Arrietty est pourtant une très belle surprise. D’abord par sa simplicité magique qu’on avait seulement pu voir auparavant chez Ghibli dans Kiki, la petite sorcière. Ensuite par son animation, toujours saisissante. Chaque excursion d’Arrietty dans des lieux ou des objets qui nous sont pourtant familiers devient une aventure trépidante. Un plan résume à lui seul cette merveille : Arrietty gravit le toit de la maison comme on gravit une montagne, elle regarde vers la fenêtre qu’elle essaie d’atteindre, la caméra se met à sa place et remonte lentement la pente du toit qui semble interminable, escarpée, dangereuse. On est pris du vertige de notre nouvelle taille, celle d’Arrietty.
Si la fable est comme toujours écologique, le dialogue entre une jeune fille qui parle de la survie de son espèce et un jeune homme qui parle de sa propre survie est saisissant. Quand Sho parle de sa maladie, Arrietty arrête de défendre les Charpardeurs pour s’intéresser à lui. Le film présente alors un miroir terriblement précis dans lequel l’individu se reflète dans l’espèce toute entière et inversement. La vie d’un individu est tout aussi essentielle que la vie d’un groupe. La survie de l’espèce demande de manière semblable à chaque être de se battre : notre futur est entre nos mains.
Mais les résonances sont encore plus larges : Arrietty est une fable altermondialiste qui, dans un contexte de crise économique, met aux prises ceux qui ont tout, le confort et l’argent (mais pas forcément le bonheur) et ceux qui n’ont rien que leur courage et qui doivent vivre des restes des premiers. Dans cette société injuste où les petits craignent les grands et ne peuvent rien faire face à eux, la chaparde, ou l’emprunt pour reprendre le mot du roman duquel s’inspire le film, est le nouveau modèle économique qui permet de trouver l’équilibre. La mondialisation est basée sur des rapports de force, sur l’incompréhension et sur la peur, des autres et du lendemain. La fable du studio Ghibli, scénarisée par Hayao Miyazaki lui-même, propose de baser la société de demain sur l’emprunt, les prêts, les échanges, la communication. Sur l’utilisation de ce dont on a besoin et non sur la surconsommation maladive. Sur le don de soi et de ce que l’on a à ceux qui en ont la nécessité. C’est seulement à ce prix-là que notre espèce peut survivre, arriver à l’harmonie et qui sait, au bonheur.
Mais Arrietty n’est pas qu’une parabole subtile. C’est un dépaysement. Un univers de couleurs, de lumières, d’une musique nostalgique. C’est surtout une tragédie. L’histoire d’un amour impossible. On ne sait pas si Sho va survivre. On est tout autant dans l’incertitude sur le destin d’Arrietty. Son audace et son énergie ne sont rien à côté du corps imposant (et pourtant malade) de Sho. Les mouvements du garçon semblent étouffés, éteints, et pourtant, pour Arrietty, aux gestes vifs et précis, ils sont un ébranlement complet, un cataclysme. Leurs vies ne tiennent à rien. Mais le plus triste n’est pas là. Leur histoire ne peut avoir lieu. Il est trop grand pour elle. L’amour ne peut pas vaincre toutes les barrières. Leur adieu est déjà l’un des moments les plus déchirants au cinéma en 2011. Arrietty est avant tout l’histoire de deux adolescents qui tombent amoureux. Qui s’aimeront toujours, et qui ne pourront jamais s’aimer.
Note : 8/10
Arrietty, le petit monde des chapardeurs (titre original : Karigurashi no Arrietty)
Un film de Hiromasa Yonebayashi avec les voix de Mirai Shida et Ryunosuke Kamiki
Animation – Japon – 1h34 – Sorti le 12 janvier 2011
L’Art d’aimer
La comédie romantique chorale dans toute sa légèreté, avec l’écriture délicatement maniérée de Mouret et les situations gênées et cocasses qu’il affectionne tant. Le réalisateur, qui a l’habitude de tenir le rôle principal, l’abandonne pour une fois à une pléiade d’acteurs célèbres. Ce faisant, il dilue son intrigue et la portée morale de son étude. Le résultat est plaisant mais inégal.
Synopsis : Au moment où l’on devient amoureux, à cet instant précis, il se produit en nous une musique particulière. Elle est pour chacun différente et peut survenir à des moments inattendus…
A la façon d’Eric Rohmer, Emmanuel Mouret raconte, depuis 6 films maintenant, ses propres contes moraux. Pour la première fois, il mêle plusieurs petites histoires (comme Rohmer l’avait fait dans Les Rendez-vous de Paris ou dans 4 aventures de Reinette et Mirabelle), et pour la première fois, il décide d’illustrer des maximes, comme l’avait justement beaucoup fait le réalisateur des Comédies et Proverbes.
Cependant, les personnages rohmériens s’engageaient très souvent dans des discussions morales complexes, évoquant leur vision de l’art, de la politique et de la vie en général. Ceux de Mouret, au contraire, ne parlent que d’amour et de sexualité.
D’abord, une introduction énigmatique et plutôt réussie : l’objet de l’amour est souvent un songe. Ensuite, trois petites histoires indépendantes s’enroulent autour d’une intrigue centrale, elle-même construite autour du personnage d’Isabelle, interprété par Julie Depardieu. Celle-ci va devoir composer avec deux propositions pour le moins inattendues. En refusant la première et en acceptant la seconde, Isabelle va changer sa vie et offrir au spectateur autant de frustration que de satisfaction. Emmanuel Mouret est habile : il nous promet d’abord une expérience libertine assez stimulante et décide finalement de ne pas la développer. Puis il se rattrape en réalisant un autre fantasme : une sorte de Tournez Manège sexuel plutôt excitant.
Alors l’amour, alors le sexe? Cela pourrait se révéler simple si chacun avouait sincèrement ses désirs, si chacun avait l’ouverture nécessaire pour accepter les désirs des autres, comme Zoé, avec qui le rêve devient réalité au début du film. Et pourtant, le rêve, si simple, ne s’accomplit pas. A la place, un jeu de mensonges et d’attirances qui laisse un goût amer.
Les trois autres intrigues amoureuses ont moins d’impact. François Cluzet et Frédérique Bel sont très bons quand ils jouent le jeu éternel de la séduction dans un morceau drôle et léger qui pose la question de savoir s’il vaut mieux être patient ou impulsif pour arriver à ses fins. Philippe Magnan et Ariane Ascaride se testent dans un conte moral un peu bâclé qui rappelle que la sincérité et l’acceptation des désirs de l’autre sont les fondements du bonheur sexuel. Ce constat est pourtant plus ou moins contredit par l’histoire fusionnelle entre Elodie Navarre et Gaspard Ulliel. Ce récit-là est le moins réussi du film, d’abord parce que le développement est plutôt longuet, mais aussi parce que la morale est sans intérêt, faible et approximative.
L’exercice est donc assez inégal mais la liberté de ton de Mouret, l’écriture des dialogues, le maniérisme marivaudien et la fraîcheur des situations rendent ses oeuvres toujours plaisantes à suivre. Le format du film choral dissout cependant le propos et limite l’ambition du réalisateur, et ce en dépit du titre qu’il a choisi.
Note : 5/10
L’Art d’aimer
Un film de Emmanuel Mouret avec François Cluzet, Julie Depardieu, Ariane Ascaride, Pascale Arbillot, Frédérique Bel, Judith Godrèche, Elodie Navarre, Laurent Stocker et Gaspard Ulliel
Romance, Comédie – France – 1h25 – Sorti le 23 novembre 2011
Les Adoptés
Mélanie Laurent passe à la réalisation avec l’évidente envie de faire un film « spécial », un beau film qui lui ressemblerait. Trop appliquée, elle étouffe son histoire d’artifices convenus et finit par donner le sentiment de vouloir faire pleurer à tout prix mais d’avoir peu à raconter.
Synopsis : Dans une famille de femmes soudées, l’une d’elles tombe amoureuse, l’équilibre se fragilise. Le destin va bientôt imposer une nouvelle réalité, encore plus compliquée.
La première partie du film pourrait presque être charmante. Pourquoi alors tout parait-il artificiel? Les tics empruntés au cinéma indépendant américain sont très visibles. Accumulés, ils créent une histoire non pas sans idée mais bien sans magie. On pense beaucoup à Beginners (déjà interprété par Mélanie Laurent) qui semblait courir en vain après la recette de Garden State.
Il y a beaucoup d’éléments séduisants, entre tendresse et humour, mais la chronique d’une vie faite de hauts et de bas, de bonheurs et de désillusions, reste très convenue. La voix off n’arrange rien, elle finit d’enfoncer le film dans les lieux communs du genre. L’image trop travaillée, les décors trop parfaits, la lumière trop esthétisante envahissent l’écran. Les plans, trop beaux, trop ralentis, trop contemplatifs, manquent d’authenticité. A trop vouloir donner du corps à son film, Mélanie Laurent lui enlève son âme.
Audrey Lamy est comme toujours impeccable, Denis Menochet, qu’on avait remarqué dans Le Skylab, a bien plus de présence que Marie Denarnaud, qui passe son temps à minauder en Audrey Tautou au rabais. L’histoire d’amour racontée en 10 minutes est à l’image du film : quelques instants drôles ou légèrement émouvants et beaucoup de clichés.
Et puis, alors que le film s’enlise dans un flagrant manque d’enjeu, la tragédie qu’on n’attendait plus vient relancer le tout. Le plan de l’accident surprise, déjà vu récemment dans plusieurs films, et presqu’à l’identique dans Un jour, marque le début d’un autre film. A partir de là, il ne se passe plus rien : les personnages trainent leur tristesse et leurs souvenirs nostalgiques avec l’évidente mission de faire pleurer le spectateur. La seconde partie des Adoptés est tire-larmes à l’excès, un mélo dans lequel on n’évite jamais le pathos.
Rien ne nous sera épargné, ni les flashbacks heureux, ni les visions intérieures larmoyantes, ni les violentes crises de pleurs. La réalisatrice n’hésite pas à en rajouter dix couches, elle répète encore et encore le même drame dans un flot de séquences similaires, espérant avoir tout le monde à l’usure, même les coeurs les plus endurcis. Le petit garçon devient lui-même le prétexte pour une séquence pathétique de plus, que Mélanie Laurent a voulu insoutenable. Elle épuise ainsi toutes les façons de signifier le même drame. C’est long, c’est long, c’est très très long.
Il semble que le véritable sujet du film aurait dû être l’adoption de l’autre, la construction des relations, des familles et des amitiés. Ce tissu de liens qui construit notre vie et nous arrache à notre solitude existentielle. Et dans les meilleurs cas, les relations fusionnelles, avec leur lot de déceptions et de frustrations certes, mais aussi avec le sentiment de plénitude qu’elles créent en nous. Si on dépouillait le film de tous les chichis du début et de tout le sentimentalisme de la fin, alors Les Adoptés pourrait effectivement toucher assez juste quand il raconte les relations de Lisa et de Marine, de Marine et d’Alex et, pour finir, de Lisa et d’Alex. C’est dire que Les Adoptés n’est pas un film vide. Simplement, c’est un film prétentieux et racoleur, et c’est donc un film qui sonne faux.
Note : 3/10
Les Adoptés
Un film de Mélanie Laurent avec Mélanie Laurent, Denis Ménochet, Marie Denarnaud, Clémentine Célarié et Audrey Lamy
Comédie dramatique – France – 1h40 – Sorti le 23 novembre 2011
Twilight – Chapitre 4 : Révélation 1ère partie
« L’éternité n’est que le commencement » dit l’accroche du film. Le début de Twilight 4 dure effectivement une éternité, que le spectateur humain, peu habitué à ces abîmes dans lesquels le temps se rallonge indéfiniment, aura bien du mal à supporter. Heureusement, la suite viendra le réveiller de la mort, non sans lui avoir livré son message bien conservateur au passage.
Synopsis : Bella a fait son choix : elle s’apprête à épouser Edward. Mais le jeune homme acceptera-t-il de la transformer en vampire et de la voir renoncer à sa vie humaine ?
La spécificité des épisodes de Twilight, c’est qu’il ne s’y passe rien. Quasiment tous les enjeux de l’histoire étaient énoncés dans le premier opus. Les films suivants sont tous interminables, ils sont remplis de vide et s’étendent à l’infini autour d’intrigues faméliques. C’est encore le cas de ce quatrième chapitre, dont le scénario a si peu de matière qu’on se demande comment le réalisateur a réussi à en faire un film de deux heures.
En fait, on ne se le demande pas vraiment : entre ralentis injustifiés et scènes parfaitement inutiles, le film suit les émotions uniques et formatées de ses héros. Bella traîne comme depuis déjà deux épisodes sa tête de jeune fille prétentieuse trop consciente de vivre une adolescence de fantasme, Edward est partagé entre inquiétude et culpabilité (bref, il fait sa tête embêtée), et Jacob est en colère, très en colère même, ce qui nous fait bien rire.
Enfin, ce qui nous ferait bien rire si on ne s’ennuyait pas tant, surtout dans ces deux premiers tiers de film, longs comme jamais, où il ne se passe strictement rien : Bella se marie et va en voyage de noces. Une sorte de clip publicitaire d’1h20 pour nous rappeler que pour pouvoir s’abandonner au sexe, il faut d’abord se marier. Et même ensuite, le sexe n’est jamais ni gratuit, ni innocent. Le dernier tiers du film nous explique pourquoi la vie humaine est sacrée et nous livre une sorte de diatribe contre l’avortement. Twilight n’a pas attendu son chapitre 4 pour se faire le chantre d’une vision très traditionaliste du monde.
Tout ça est bien dommage car la fiction pourrait être intéressante. Le passage au film d’horreur, l’évolution d’une femme broyée de l’intérieur, le mystère quant à la nature de cet enfant et à l’avenir de Bella pourraient être des ressorts dramatiques solides. Mais la niaiserie du traitement, la minceur de l’intrigue et les visées commerciales (faire deux épisodes pour faire deux fois plus de fric, là où un film suffirait largement) font de Twilight 4 un modèle de remplissage grossier.
Note : 1/10
Twilight – Chapitre 4 : Révélation 1ère partie (titre original : The Twilight Saga: Breaking Dawn – Part 1)
Un film de Bill Condon avec Robert Pattinson, Kristen Stewart et Taylor Lautner
Fantastique – USA – 1h57 – Sorti le 16 novembre 2011
Les Neiges du Kilimandjaro
Malgré quelques moments faibles et quelques personnages insipides, le dernier film de Robert Guédiguian séduit par sa sincérité et ses convictions. Ses personnages se posent les questions que nous devrions tous nous poser. Le réalisateur nous invite à faire comme eux : ouvrir nos esprits et nos coeurs.
Synopsis : Michel, représentant syndical ayant perdu son travail, et sa femme Marie-Claire, vivent plutôt heureux, jusqu’au jour où 2 hommes armés et masqués viennent chez eux les agresser et leur volent leurs cartes de crédit…
La recette des Neiges du Kilimandjaro, c’est un dilemme moral, beaucoup d’honnêteté, un humanisme discret mais total et un idéalisme revendiqué comme un guide pour agir.
Robert Guédiguian croit en l’homme, il met en scène Michel et Marie-Claire, des héros du quotidien, un homme et une femme de principes qui n’oublient pas d’être faibles, de faire des erreurs, qui n’oublient pas de détester quand ils n’arrivent plus à comprendre, d’être violents quand ils sont blessés. Et qui n’en sont pas moins des grandes âmes, jugeant leurs actes à l’aune de leurs idéaux sans jamais omettre de regarder qui ils sont et d’examiner le chemin qui les sépare de ceux qu’ils voudraient être ou qu’ils auraient voulu être quand ils étaient jeunes.
L’un des points essentiels de l’histoire est l’absence de remords de Christophe. Guédiguian ne tombe pas dans le piège des regrets et des circonstances atténuantes. Christophe n’arrive pas à comprendre que Michel et Marie-Claire ont le droit au respect et à la considération. Trop enfermé dans ses propres problèmes, il est devenu incapable de voir les autres. Et pourtant, ce n’est ni la violence, ni la prison qui lui feront prendre conscience. Les deux cinquantenaires, ouvriers devenus presque petits bourgeois, ont maintenant un confort qui offre des privilèges essentiels que Christophe n’a pas : la possibilité de comprendre, la possibilité de pardonner, la possibilité d’agir. Rester engagé, toujours, même quand cela demande d’engager sa propre vie.
Certes, leur attitude est invraisemblable. Mais Robert Guédiguian ne nous dit pas ce qui a le plus de chance d’arriver, il nous dit ce qui devrait se passer. Les Neiges du Kilimandjaro est un programme politique à l’échelle des individus, c’est un pamphlet pour la solidarité, pour que tout le monde ait les mêmes droits et les mêmes chances, même ceux que nous devrions détester. Les réactions passionnelles n’ont rien à faire en politique, seuls les principes universels doivent nous guider. La vengeance ne mène à rien, le pardon béat non plus. Une seule solution : avoir le courage d’agir en accord avec notre conscience, dans le meilleur intérêt de tous, même de ceux qui nous ont blessés.
On pardonne alors l’inconsistance des personnages secondaires (notamment la famille de Michel et Marie-Claire, plate et insipide) et la relative mollesse qu’ils installent dans le film, qui manque parfois de rythme. On préfère retenir cette formidable profession de foi en l’homme et en sa capacité à dépasser ses rancœurs et ses privilèges. Enfin, on admire la ligne politique claire et sincère que suit le cinéaste.
Note : 6/10
Les Neiges du Kilimandjaro
Un film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan
Drame – France – 1h47 – Sorti le 16 novembre 2011

